Pour Fabrice Raffin, socio-anthropologue et maître de conférences à l'Université de Picardie Jules Verne, il est temps que l'Etat et les collectivités abandonnent la logique de l'offre qui prévaut depuis la création du ministère de la Culture. L'universitaire plaide pour des politiques culturelles fondées sur la reconnaissance des pratiques réelles qui éclosent dans toutes les catégories de la population.
A la croisée des échecs passés et de la situation sanitaire actuelle, les politiques culturelles doivent plus que jamais se réinventer. Pour tenter d’éviter les biais idéologiques qui fondent notre cécité coutumière et nos erreurs en la matière, basons-nous ici sur 30 ans de recherches en sciences-sociales.
D’abord, réaffirmons ce constat : tous les milieux sociaux sont porteurs d’une créativité étonnante, profonde et foisonnante. Toutes les populations, quels que soient les lieux où elles vivent, inventent des formes culturelles, sont capables de les mettre en partage et constituent les véritables ressources de nos territoires. Pour le dire autrement, il n’existe pas de populations qui ne produisent elles-mêmes leurs propres formes esthétiques, qu’elles soient musicales, plastiques, visuelles, écrites, numériques. Et la culture doit toujours, dès lors, se conjuguer au pluriel.
Politique de la reconnaissance
Au regard des cinquante années de politiques culturelles qui ont démontré leur incapacité à l’ouverture et au dialogue, la nouvelle étape de l’action culturelle est une étape qui rompt avec une politique de l’offre qui considère des populations n’ayant pas accès à la culture. Cette nouvelle époque part au contraire des pratiques culturelles réelles et des intérêts esthétiques divers portés par des populations qui ne cessent d’inventer. Elle sera à même de permettre, de faciliter l’expression, l’expérience culturelle participative. Pour ce faire, elle portera l’idée que la culture se conjugue avant tout avec le plaisir, l’émotion et l’esprit collectif et le plus souvent possible, l’évènement et la fête.
La nouvelle époque des cultures ne sera donc pas une politique de l’offre artistique, mais une politique de la reconnaissance, de l’accompagnement et de la bienveillance à l’égard des capacités et des intérêts de toutes les composantes de la population. Dans chaque lieu, dans chaque projet, elle inventera son propre modèle économique, répondant aux besoins de la communauté, participant à son développement. Soutenant la création artistique, elle ne sera pas cantonnée à l’art et s’ouvrira au dialogue avec tous les domaines de la vie humaine : le monde social, l’éducation, jusqu’à la science et la connaissance, ainsi que, bien sûr, l’économie. Aussi, plus que d’offrir l’accès à des objets artistiques reconnus comme tels par une minorité d’experts, elle construira les conditions du dialogue entre les esthétiques et les intérêts des populations. Actrice et enjeu des dynamiques territoriales, les cultures de cette nouvelle époque, ne seront plus une activité recroquevillée sur l’art. Elles retisseront le lien perdu depuis Malraux, avec la vie.
Habitant-passeur
L’acteur culturel principal de cette nouvelle époque de l’action culturelle sera un habitant-passeur, véritable médiateur ayant pied dans plusieurs milieux sociaux, un personnage agile, polyglotte, polychrone. Cette nouvelle action culturelle prendra place partout sur les territoires : elle reprendra les lieux abandonnés, délaissés, elle se glissera dans les vieilles institutions ainsi redéfinies, ré-ouvertes, réappropriées, mais aussi...
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