
Mardi 15 juillet, le premier ministre a exposé les mesures envisagées par le gouvernement pour atteindre 43,8 milliards € d’économies en 2026. Une « année blanche », la suppression de deux jours fériés, une hausse des franchises médicales, et 5,3 milliards € d’économies supplémentaires demandées aux collectivités territoriales. Un plan drastique qui a suscité des réactions virulentes dans l’opposition comme chez les syndicats. Anticipant certainement des annonces qu’ils pressentaient particulièrement austères, des élus socialistes appelaient, dès le matin même dans une tribune, à sanctuariser les budgets culturels, face à un désengagement croissant des pouvoirs publics.
« La culture est menacée. » Ce constat, sans appel, ouvre la tribune. Le message des auteurs, Nicolas Mayer-Rossignol et Michaël Delafosse, maires socialistes de Rouen et Montpellier : face à la baisse continue des soutiens publics, il est urgent de considérer la culture comme un bien essentiel, à sanctuariser dans les budgets municipaux. Face à ce qu'ils considèrent comme une fragilisation du tissu culturel local, ils appellent les futurs candidats de gauche aux municipales 2026 à inscrire la culture comme une priorité politique.
Le « silence assourdissant » de Rachida Dati
Les auteurs s’appuient sur les données publiées par l’Observatoire des politiques culturelles, dans un baromètre annuel, paru le 9 juillet dernier. Ce dernier révèle qu' entre 2024 et 2025, les budgets spécifiques sont en baisse dans près de 50 % des collectivités. Une tendance à la baisse qui concerne 47 % des collectivités interrogées, contre seulement 21 % l’année précédente.
Le phénomène touche l’ensemble du territoire : régions, départements, communes et intercommunalités ont taillé dans leurs crédits culturels. Dans le détail, 26 % des collectivités déclarent une baisse comprise entre 1 % et 9,9 %, 14 % une baisse allant de 10 % à 20 %, et 7 % indiquent une réduction de plus de 20 % de leur budget culturel. Les départements apparaissent comme les plus touchés, avec 27 d’entre eux affichant une baisse supérieure à 10 % entre 2024 et 2025.
L’enquête repose sur les réponses de 214 collectivités interrogées par questionnaire en ligne entre mars et juin. L’échantillon comprend douze régions, 74 départements, 75 communes de plus de 50.000 habitants, 46 intercommunalités et sept collectivités d’Outre-mer.
Un chiffre d’autant plus alarmant, d'après les auteurs de la tribune, qu’il touche à un maillon essentiel du soutien à la création artistique : les collectivités locales, qui, historiquement, représentent près de 70 % du financement public de la culture en France, d'après les chiffres 2024 du ministère de la Culture.
Vincent Guillon, codirecteur de l’Observatoire, a même parlé d’un « moment de bascule très net, une rupture historique ». Cette tendance n’est pas nouvelle selon les deux élus socialistes, mais elle s’accentue dans un contexte de tensions budgétaires généralisées, où les arbitrages conduisent de plus en plus à considérer la culture comme une variable d’ajustement.
Ils citent en exemple la région Pays de la Loire, présidée par Christelle Morançais (Horizons), où « le tissu associatif, artistique et indépendant est décimé ». Elle a supprimé 10 millions € du budget culturel, dans le cadre d’un plan global d’économies de 100 millions €. La région Centre-Val de Loire a, de son côté, réduit de 780.000 € les subventions allouées au secteur culturel.
Ou encore la région Auvergne-Rhône-Alpes dirigée par Laurent Wauquiez (Les Républicains), qui a engagé une politique de baisse continue des subventions. Entre 2022 et 2024, elle a supprimé quatre millions € de subventions à 140 structures culturelles. En 2025, la région a adopté un budget Culture de 89,2 millions €, en hausse de 10,5 % par rapport à 2024.
Pour certains responsables, la culture ne serait plus un vecteur d’émancipation, mais un « luxe », un « ornement pour élites urbaines », assurent les deux élus socialistes.
La « trumpisation du débat culturel »
La tribune déplore par ailleurs l’absence de réaction de la part de l’État. « Le ministère n’est plus un bouclier », assènent les élus, fustigeant le « silence assourdissant » de la ministre Rachida Dati face à l’effondrement du soutien public. Cette absence de cap national, selon eux, contribue à fragiliser encore davantage les collectivités, privées de soutien, de vision et d’incitation. Et de rappeler qu'en 2025, le budget du ministère de la Culture représente à peine 0,8 % du budget de l’État, un chiffre en stagnation, voire en baisse si l’on prend en compte l’inflation.
Une inaction qualifiée de « trumpisation du débat culturel », en référence à une vision de la culture comme un ennemi idéologique, potentiellement subversif.
Les maires réclament « une culture partout, pour tous et par tous. Une culture populaire ». Un idéal qu’ils défendent dans les actes, assurent-ils, en maintenant, dans leurs villes, le soutien aux compagnies locales, aux médiathèques, aux MJC, aux tiers-lieux, aux opéras et aux musées. « La culture est ce qui permet encore de faire société », analysent-ils : « Elle tisse du lien là où le repli menace. » D'autant que les cas les plus marquants de baisses figurent l’Hérault, département de Nicolas Mayer-Rossignol, qui, avec l’Ille-et-Vilaine, ont chacun divisé par deux les subventions destinées à la culture, au sport et à la jeunesse.
À la veille des municipales de 2026, les auteurs souhaitent faire de cette question un marqueur politique : « Les programmes des candidats de gauche devront intégrer la sanctuarisation des budgets en faveur de la culture. » Selon eux, dans un paysage politique fracturé et face à une extrême droite aux portes du pouvoir, la culture ne peut plus être considérée comme un supplément d’âme. Elle est le cœur battant de la République, et...
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