La Conseil régional a confirmé une baisse des subventions allouées à la culture de plus de 60%. Emmanuel Dupuy, dans son éditorial, revient sur cet événement sans précédent.
C’est fait : le budget de la région Pays de la Loire a été adopté ce 20 décembre. Avec, à la clé une baisse des dépenses culturelles vertigineuse : -62 % sur les trois prochaines années, du jamais vu dans aucune collectivité publique. Pour justifier ces coupes sombres, la présidente de la région, Christelle Morançais (membre d’Horizons, le parti d’Edouard Philippe), faisait mine naguère de s’interroger : « quelle est la pérennité d'un système qui, pour exister, est à ce point dépendant de l'argent public ?» Oui, quelle est la pérennité de ces arts qui coûtent plus qu'ils ne rapportent ? Quelle est la pérennité de nos théâtres, de nos orchestres, de nos musées, de nos bibliothèques ? Brûlons-les tous pour abréger leur agonie !
Au sophisme de l'élue ligérienne, on pourrait en opposer bien d'autres : quelle est la pérennité de notre police, de nos armées, de notre éducation nationale, de nos hôpitaux, puisqu'ils sont eux aussi totalement biberonnés aux finances publiques ? Soyons sérieux. Et il faut l'être, quand la baisse désormais actée va, de La Roche-sur-Yon au Mans, mettre sur la paille tant de structures, conduire à annuler tant de spectacles, pousser vers le chômage tant d'artistes.
Haro sur la Folle journée
Sabre au clair, Mme Morançais entend s'attaquer à « un système dont on constate, en plus, qu'il est, malgré les subventions dont il bénéficie, en crise permanente ! » Quelle fut donc sa première victime ? Bingo : la Folle Journée de Nantes, soit un des plus éclatants succès nationaux sur le front de la démocratisation artistique, qui depuis sa création en 1995 a fait découvrir la musique classique à des millions de spectateurs, dont le concept s'exporte dans le monde entier. Comme exemple d'un « système en crise permanente », on pouvait trouver mieux. Tant pis : 180 000 euros en moins, quelques jours avant l'ouverture de la billetterie. Pourtant, on ignorait que René Martin, le père de la Folle Journée, fût un dangereux gauchiste. Car le soupçon de déviance idéologique est aussi un des arguments baroques avancés par Mme Morançais : « La culture serait donc un monopole intouchable ? Le monopole d'associations très politisées, qui vivent d'argent public. »
Au-delà de ses conséquences désastreuses, l'existence même d'un tel discours suscite la plus forte inquiétude. Une digue est tombée : désormais, n'importe quel politicard, sans la moindre compétence en ce domaine, peut s'arroger le droit de dire quelle est la bonne et la mauvaise culture. Pour Mme Morançais, qui avant d’être élue a fait carrière dans l’immobilier, la bonne culture est...
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