La cellule de soutien aux victimes, pilotée par l’organisme Audiens, a recueilli des témoignages de femmes qui évoquent le phénomène de l’emprise et la peur d’être stigmatisée.
C’était il y a un mois : sur les réseaux sociaux surgissait le mouvement #metoothéâtre. Un collectif de personnalités et de professionnels du théâtre signait dans Libération une tribune appelant à «la libération de la parole» et à «l’urgence des actes». Et, le 16 octobre, un premier rassemblement pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles dans ce secteur était organisé à Paris à deux pas du ministère de la culture. Ce jour-là, au milieu des manifestants, deux jeunes femmes tenaient un stand pour faire connaître la cellule d’écoute psychologique et juridique consacrée aux professionnels du spectacle vivant et enregistré. Sur les tracts, un numéro de téléphone, le 01-87-20-30-90.
Invitée à la matinale de France Inter, deux jours après la manifestation, Roselyne Bachelot faisait valoir que la lutte contre les violences sexuelles et sexistes était «l’une des priorités du ministère de la culture», mais ne citait pas cette cellule professionnelle pourtant financée, en grande partie, par la Rue de Valois. Cet oubli a fait bondir syndicats et collectifs. La ministre s’est finalement rattrapée, le 4 novembre, sur le plateau de «C à vous» sur France 5 : «parmi les propositions de #metoothéâtre, certaines sont déjà en œuvre comme la plate-forme d’écoute d’Audiens».
«Peur d’être grillé»
Lancée en juin 2020 à l’initiative de la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma (Fesac) avec le soutien des partenaires sociaux, cette cellule de soutien aux victimes, pilotée par Audiens (groupe de protection sociale du monde de la culture), a reçu environ 120 appels depuis sa création, dont la moitié concerne le spectacle vivant. «Le mouvement #metoothéâtre n’a pas entraîné une explosion de témoignages, mais cela ne nous étonne pas, explique Carla Ballivian, responsable de la cellule. Dans ce milieu où les relations professionnelles sont très importantes, où tout se sait, il y a une peur de parler par peur d’être “grillé”, de ne pas retrouver du travail. La question de la réputation, de la stigmatisation est au cœur du problème. Il y a un gap entre la réalité collective et la réalité individuelle.»
La plupart des appels concernent des faits de violences sexistes ou sexuelles qui remontent à plus d’un ou deux ans. «Le contexte médiatique a remué des souvenirs, libéré la parole. Certaines personnes, conscientes que ce qu’elles ont vécu n’était pas normal, décident de passer le cap et d’appeler.» Souvent, constate Carla Ballivian, «les victimes sont dans la culpabilité, s’en veulent d’avoir accepté un verre après une répétition, d’avoir laissé passer des propos sans mettre des limites». Ce qui domine dans les témoignages relève d’un sentiment d’emprise, d’une relation de subordination, renforcée par une situation économique précaire. «Etre intermittente du spectacle est complètement différent que d’être en CDI dans une entreprise, où, la journée de travail terminée, vous rentrez chez vous, résume Carla Ballivian. Dans le secteur du spectacle, les répétitions, les représentations, les tournées ont souvent un après.»
Lorsqu’une personne appelle la cellule d’écoute, elle est orientée, suivant son besoin, soit vers une psychologue clinicienne, soit vers un avocat spécialisé – ou parfois les deux. La confidentialité est garantie. «Le psy, c’est pour aller mieux, le juridique, c’est encore autre chose, qui va prendre du temps. Comprendre qu’on a le droit de parler ne signifie pas ...
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