
Des Russes antiguerre exilés en France organisent, le 16 octobre, un récital en soutien à un claveciniste et un saxophoniste, condamnés respectivement à huit ans et six ans de prison pour leurs positions anti-Kremlin.
« Ne pas oublier ceux qui sont restés en Russie, derrière les barreaux… » Autour d’un café à Paris, Anna Kavalerova, pianiste russe exilée en France, se mobilise pour les quelque 3 000 prisonniers politiques opposés au Kremlin de Vladimir Poutine et à son « opération militaire spéciale » en Ukraine. Dès les premiers jours de février 2022, de simples Russes comme elle se sont dits contre cette guerre qui cachait son nom.
A ce moment-là, Anna Kavalerova, 37 ans, vivait déjà à l’étranger et, depuis, a décidé de ne pas revenir dans son pays. « Impossible de continuer à faire des concerts dans cette Russie-là, confie-t-elle. Mais il ne faut pas oublier que la guerre se poursuit en Ukraine et que des Russes continuent de s’y opposer… »
C’est le cas, parmi d’autres, de deux musiciens qui, inconnus du public, risquent de tomber dans l’oubli : Richard Rouz, 40 ans, immigré de Roumanie installé à Kirov, claveciniste et ingénieur du son ; Andreï Chabanov, 45 ans, saxophoniste à Samara. Dès les premiers mois de la guerre, Richard Rouz a publié sur Instagram des informations sur les crimes de l’armée russe à Boutcha (Ukraine). Arrêté le 14 avril 2022, il devient l’un des premiers inculpés pour « diffusion de fausses informations » sur l’armée. Poursuivi aussi pour « apologie du terrorisme », il est condamné à huit ans de prison, envoyé dans la colonie pénitentiaire de Perm.
Andreï Chabanov a été arrêté plus tard, le 21 mars 2024, condamné pour « appel à des activités terroristes » après des messages sur les réseaux sociaux contre le Kremlin. Il appelait à « résister ». Il a été condamné à six ans de prison, lui aussi placé en colonie pénitentiaire malgré ses handicaps et son état de santé, pourtant incompatible avec la détention.
C’est pour Richard Rouz et Andreï Chabanov, et au-delà pour les autres prisonniers politiques, que, accompagnée d’autres musiciens installés à Paris, Anna Kavalerova jouera à Paris, jeudi 16 octobre, en l’église de Saint-Ephrem-le‑Syriaque. Une petite salle, une audience restreinte. « Mais un message fort de solidarité ! », insiste Natalia Kolyagina, 43 ans, autre simple Russe exilée en France et l’une des organisatrices de ce concert.
Cet événement est soutenu par la branche française de Memorial, la principale organisation russe des droits humains dissoute à Moscou en 2022 par les autorités judiciaires. L’ONG a inclus Richard Rouz et Andreï Chabanov dans sa longue liste de prisonniers politiques. En 2024, un concert similaire à Paris avait permis de recueillir quelque 2 500 euros, des fonds ensuite distribués aux familles des détenus.
Soins médicaux urgents
« En prison, Richard et Andreï ne peuvent ni jouer de leur instrument ni même écouter de la musique. Ils peuvent juste entendre l’hymne de la Russie », dénonce Natalia Kolyagina, inquiète de l’état de santé des deux détenus, en particulier Andreï Chabanov. Il souffre de maladies auto-immunes et a besoin de soins médicaux urgents.
Son cas rappelle celui de Pavel Kouchnir, 39 ans, un pianiste qui collait des tracts et publiait des messages sur sa chaîne YouTube contre l’invasion en l’Ukraine. Diplômé du conservatoire Tchaïkovski de Moscou, il était promis à une belle carrière musicale. Mais, poursuivi pour ses positions antiguerre, il a...
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