
Des programmations hip-hop et rien que hip-hop. Le phénomène est nouveau, alors même que le genre est le plus écouté en France. Ces prochains mois, ils seront cinq, pour partie portés par de très gros opérateurs. La concurrence s’annonce rude.
La scène se passe le 13 septembre dernier, au nord de Dijon, lors de la première édition du Golden Coast Festival, lequel a beaucoup communiqué sur son affiche « 100 % rap » à forte teneur en vedettes. Ninho, Booba, SDM, SCH, Luidji…, les plus grands succès de l’année y étaient annoncés. Antoine et Philippe, 24 et 26 ans, venus en voiture du Val-d’Oise, assistent à leur premier festival. « 22 euros l’emplacement pour deux nuits au camping du festival, après avoir déboursé chacun 139 euros le pass pour les deux jours, c’est beaucoup pour nos paies d’ouvriers, témoignent-ils. Sans parler du prix prohibitif des boissons. » Avant d’avouer qu’ils ont dépensé 250 euros en merchandising. Mais une casquette siglée Golden Coast, autoproclamé « le Hellfest du rap », en référence au célèbre festival metal de Clisson, vaut bien, selon eux, de casser sa tirelire.
Bienvenue sur la nouvelle « Terre promise » des festivals d’été : des événements à la programmation exclusivement dédiée au hip-hop, cherchant à attirer un public de jeunes amateurs du genre, qui comme Antoine et Philippe achètent leur casquette et consomment. Car les Français n’ont jamais autant écouté de musique qu’en 2024, comme l’atteste le bilan annuel du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep). Surtout, le rap explose les compteurs du streaming et du nombre d’albums vendus. Or, jusqu’à présent, très peu de festivals lui étaient consacrés. On en dénombre cependant cinq cet été (dont deux petits nouveaux), avec des ambitions et des moyens sensiblement différents : Yardland (4-6 juillet) et Grünt (24-25 octobre) à Paris ; Golden Coast en Côte-d’Or (5-7 septembre) ; et enfin Hypnotize, à Lyon (13-14 juin) et à Bordeaux (5-6 septembre).
Les appétits s’aiguisent
Commençons par le parisien Grünt, le plus ancien, lancé par un site web créé en 2012, dont les freestyles filmés (un défi où l’artiste doit poser son texte sur une « instru » qu’il n’a pas choisie) ont pour certains atteint les cinq millions de vues. Il y a quatre ans, le site a accouché d’un festival et il espère attirer cette année quelque vingt mille fans. « Le rap agrège de nouveaux horizons comme le mouvement afrobeats en provenance du Nigeria, la rumba congolaise ou le raï, explique le journaliste et réalisateur Jean Morel, cofondateur de la manifestation. Nous voulons mettre en avant, et en totale indépendance, des artistes qui nous semblent pertinents, encore peu connus, et qu’on accompagne tout au long de l’année. Le cœur d’une démarche culturelle. » À l’instar du prometteur H Jeune-Crack, dont on applaudira le flow cartoonesque. Également porté par des promoteurs indépendants, également parisien, Yardland a suivi le même chemin, ayant lui aussi vu le jour sur un site en 2014, organisant ensuite – avec un flair certain – des soirées réunissant les nouveaux talents du hip-hop américain ou français, avant de monter un festival en 2024. Dans sa ligne de mire : la musique afro-caribéenne et quarante mille spectateurs cette année.
Face à ces deux manifestations, trois mastodontes : Golden Coast, en Côte-d’Or, est financé par Live Affair (filiale concerts du géant de la distribution en ligne Believe), Play Two (label de TF1), et le groupe de presse Combat – également actionnaire de Rock en Seine. Au programme ? Encore et toujours les plus grands noms, accompagnés cette année d’un fort contingent de femmes DJ. Le succès a été tel que la manifestation se déploie désormais sur trois jours, contre deux l’an passé, en espérant la venue de soixante-quinze mille spectateurs.
De quoi susciter l’appétit de la plateforme de billetterie et agence événementielle espagnole Fever, présente dans vingt pays. Il y a quatre ans, celle-ci lançait Initial à Bordeaux, un festival électro qui a d’emblée attiré vingt-cinq mille spectateurs. Forte de cette expérience, elle inaugure cet été deux festivals de rap répondant au même nom – Hypnotize –, l’un à Bordeaux, l’autre à Lyon. « Le rap est la musique la plus écoutée de l’Hexagone, avec très peu de festivals qui lui sont consacrés, nous explique, depuis Madrid, le responsable France des relations publiques chez Fever. Notre objectif est d’ancrer une marque de rendez-vous urbains, sans campings, comme nous l’avons fait à Bordeaux avec notre festival électro. » Fever a donc sorti l’artillerie lourde, invitant sur les deux déclinaisons d’Hypnotize les poids lourds Booba et Vald.
“Ils espèrent casser la baraque”
Un tel essor autour du rap est inédit en France. Mais toutes ces manifestations peuvent-elles cohabiter sans se phagocyter ? À en croire Emmanuel Négrier, chercheur en sociologie à l’Université de Montpellier, qui scrute à la loupe les quelque six mille manifestations organisées dans notre pays, 2025 sera pour...
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