
Frédérique Bourgeois, directrice de Labo Cités, le centre de ressources sur la politique de la ville d’Auvergne-Rhône-Alpes, plaide pour le développement de l’action culturelle dans les contrats de ville. Une préconisation que Labo Cités porte dans le cadre de la commission sur l’avenir de ces outils de contractualisation.
La culture est aussi importante que l’emploi ou l’éducation pour le développement social des quartiers populaires : de ce credo issu de plusieurs années de travaux, Labo Cités, le centre de ressources politique de la ville d’Auvergne-Rhône-Alpes, a tiré des préconisations pour la prochaine génération de contrats de ville. Une contribution désormais sur la table de la commission sur l’avenir de ces outils de contractualisation créée par Nadia Hai, ministre de la ville, qui doit achever ses travaux fin mars. Frédérique Bourgeois, directrice de Labo Cités, explique les raisons de cette position.
Pourquoi centrer sur la culture votre contribution à la commission sur l’avenir des contrats de ville ?
Il se trouve qu’en Auvergne-Rhône-Alpes, la Métropole lyonnaise, notamment, ainsi que d’autres collectivités également, sont assez en pointe sur cette question de la place de la culture dans la politique de la ville. De fait, à Labo Cités, nous travaillons sur ce thème depuis de nombreuses années, peut-être plus que d’autres centres de ressources sur le développement social urbain (CRDSU).
Par ailleurs, le contexte est marqué, depuis plusieurs années, par une fragilisation des financements de la politique de la ville comme des politiques culturelles. C’est le cas au niveau national et il semblerait qu’on nous l’annonce encore pour 2022. Et c’est aussi le cas à l’échelle d’Auvergne-Rhône-Alpes depuis l’arrêt de la participation de la région à la politique de la ville.
Mais le contexte est aussi favorable : même s’il faut aller plus loin, beaucoup d’actions sont conduites, y compris dans de petites villes. Par exemple, avec une résidence parfois depuis 8 ou 10 ans, les artistes ont pu déconstruire leurs représentations sur le lien entre culture et quartiers : ces schémas qui nous font penser : « Il y a une MJC, ça suffit ».
Vous écrivez que la culture est « un puissant vecteur de lien social qui a le mérite de ne pas passer par l’affirmation identitaire.» Que voulez-vous dire ?
Cette phrase signifie que, dans les quartiers populaires, les acteurs de la politique de la ville ne sont pas obligés de « faire de la culture d’origine », pour employer un raccourci. Pendant longtemps, ils ont centré les actions sur cet angle et il est effectivement important que des gamins se retrouvent dans la culture de leurs ancêtres. Mais il ne faut pas s’arrêter à cela : la culture sert aussi à être bousculé dans son quotidien, à réfléchir. Elle est pour tout le monde et la même pour tous. Dans notre contribution, nous entendons ainsi plutôt parler de démarche artistique et culturelle.
Souhaitez-vous rendre la culture obligatoire dans les contrats de ville ?
Oui, nous demandons que cet axe soit « non optionnel » : cela signifie obligatoire, comme le sont l’emploi et l’éducation. Lorsqu’on conduit une démarche artistique et culturelle, pour peu que l’on fasse du beau et non de la culture au rabais, on constate des effets extraordinaires sur les gens. Comme les yeux pétillants des enfants qui participent à l’orchestre Demos » (1). Ou ces discussions hors du commun que j’ai connues, lorsqu’avec la compagnie Théâtre du Grabuge, en résidence dans le quartier Lyon-Mermoz, nous avons proposé à des habitants des photos retraçant la mémoire du quartier. Ou encore ces femmes tellement fières de visiter l’Opéra, car jamais elles n’auraient imaginé s’autoriser à y entrer.
Comment articuler cet axe culturel avec les autres, pour une véritable politique culturelle ?
Cette articulation est possible si la Drac est pleinement impliquée dans la politique de la ville. Or ce n’est pas le cas partout. Cette articulation se pense en outre en amont. C’est actuellement qu’il faut s’en préoccuper, puisque nous sommes en période d’évaluation des contrats de ville et de préparation de la prochaine programmation. Il ne s’agit pas de se dire dès maintenant que l’on va inviter une compagnie en résidence, par exemple, mais de décider du cofinancements d’actions sur ce sujet.
Vous chiffrez à 1% la part de financement obligatoire à consacrer à un tel volet dans les opérations de renouvellement urbain. Sur quelle base ?
Cette demande que soit consacré 1% du coût des opérations de travaux publics à des projets artistiques et culturels est en réalité quelque chose qui est prévu depuis longtemps : l’article 6 de la Loi pour la liberté de la création, l’architecture et le patrimoine de juillet 2016 prévoyait que le gouvernement remette au Parlement, dans un délai de 6 mois, un rapport sur l’opportunité de le mettre en place. Or nous savons que ce rapport a été écrit, mais il n’a jamais été rendu public. Ce « 1% travaux publics » serait le pendant du « 1% artistique » imposé pour les travaux réalisés sur des bâtiments publics.
Pourquoi voulez-vous également « faire des QPV des territoires d’expérimentation des droits culturels » ?
Cette préconisation fait référence à la Déclaration de Fribourg sur les droits culturels (2) qui, en 2007, a rappelé que ces droits sont aussi fondamentaux que les autres droits humains. C’est-à-dire que...
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