La plateforme Udio génère des chansons à partir de prompts. Photos : Seventyfour - stock.adobe.com et Udio - Photomontage Le Figaro
      
   
  
            DÉCRYPTAGE - Le leader de l’industrie musicale a devancé ses pairs en nouant un accord avec Udio, outil d’IA grand public permettant de générer des musiques inspirées d’œuvres existantes. Il avait attaqué l’an passé la start-up en justice pour violation du droit d’auteur.
 
 
Un deal qui fera date. Le leader de l’industrie musicale Universal Music a annoncé jeudi avoir trouvé un accord à l’amiable avec la start-up Udio, un outil d’IA générative, permettant de créer une musique grâce à une simple demande textuelle. La major, comme Sony et Warner, avait porté plainte contre Udio, ainsi qu’une autre start-up du même type, Suno, en juillet 2024. Les maisons de disques accusaient les deux plateformes d’avoir utilisé des musiques protégées par le droit d’auteur pour entraîner leurs modèles d’IA, et exigeaient jusqu’à 150 000 dollars de dommages et intérêts par œuvre contrefaite. Sans s’interdire de négocier, en parallèle, avec les deux jeunes pousses pour établir un droit de licence sur les œuvres utilisés pour l’entraînement, ou même pour entrer dans leur capital.
Universal aura été le premier à toper. Non seulement le groupe a réglé son litige avec Udio, mais il s’apprête aussi à lancer une plateforme de création d’IA générative avec la start-up « formée sur de la musique autorisée et sous licence », précisent les deux parties dans un communiqué. Dans le détail, le service sera accessible via un abonnement. Le label et les artistes qui accepteront de mettre à disposition leurs œuvres seront rémunérés pour l’entraînement du modèle, puis indemnisés lorsque les abonnés utiliseront leurs morceaux pour générer de nouvelles créations. Détails d’importance, ces musiques ne pourront être diffusées et partagés que dans un « environnement sous licence et protégé ». Elles devront donc rester sur Udio.
« Diversifier les sources de revenus »
Ce terrain d’entente semble satisfaire les deux parties, même si tout laisse à penser que le géant de la discographie est parvenu à mettre au pas celui qu’il considérait jadis comme son pilleur de catalogue. À l’époque où les majors avaient déposé plainte, Udio avait fait valoir, comme Suno, que l’utilisation d’enregistrements sonores protégés pour l’entraînement de ses modèles IA était conforme à la loi américaine sur le droit d’auteur. Il avait dénoncé les poursuites judiciaires comme une tentative d’étouffer la concurrence.
 
"Ce moment donne vie à tout ce que nous avons construit – unir l’IA et l’industrie de la musique d’une manière qui défend vraiment les artistes"
Andrew Sanchez, directeur d’Udio
 
La start-up adopte désormais un tout autre discours. « Ce moment donne vie à tout ce que nous avons construit - unir l’IA et l’industrie de la musique d’une manière qui défend vraiment les artistes », commente Andrew Sanchez, directeur d’Udio. De son côté, le PDG d’Universal, Sir Lucian Grainge, se réjouit d’avoir signé un accord démontrant son « engagement à faire ce qui est juste pour nos artistes : adopter de nouvelles technologies, développer de nouveaux modèles commerciaux et diversifier les sources de revenus ».
Décidément très actif, Universal a officialisé jeudi un autre accord. Il s’agit d’une « alliance stratégique » avec Stability AI, entreprise britannique développant une technologie d’IA « open source » de génération de texte, d’image et de son. Les deux acteurs vont concevoir des outils de création musicale pour aider les artistes, producteurs et auteurs dans leurs processus créatifs. Ils s’appuieront sur des modèles strictement conçus pour les professionnels, et entraînés exclusivement sur des données sous licence. « Comme nous l’avons déjà clairement indiqué, nous n’envisageons de développer des outils et des produits d’IA que sur la base de modèles entraînés de manière responsable », insiste Sir Lucian Grainge.
D’autres accords attendus dans le secteur
Il n’empêche que ces deux accords créent un précédent dans l’industrie musicale. C’est en effet la première fois qu’une major de rang mondiale s’allie avec des acteurs de la tech pour concevoir de la musique générée par IA. Jusqu’ici, Universal avait plutôt concentré ses efforts à éradiquer d’internet ces vraies-fausses compositions musicales, générées au mépris du droit d’auteur. Il avait notamment exigé leur retrait de TikTok à l’issue d’un long conflit avec la plateforme.
Warner et Sony, avec qui Universal avait porté plainte contre Udio et Suno par l’entremise de la fédération Recording Industry Association of America (RIAA), vont sans doute s’empresser de faire de même. En octobre, le Financial Times avait révélé que les trois géants de l’industrie négociaient âprement avec Suno, Udio mais...