
Sasha Manuilenko, responsable à l’international de l’Union du Théâtre russe :
« Le théâtre français me fascine. Je suis venue cette année pour la première fois au Festival d’Avignon. Ce fut une découverte brève mais enthousiasmante. Pourtant, si l’on me parle de théâtre français, je préfère partager les impressions que m’a laissé le festival de théâtre de rue Cratère Surfaces, à Alès.
Les spectacles sont donnés dans des paysages exceptionnels et des lieux insolites, des villages cachés, d’immenses forêts de bambous, les rives d’un lac… Cela m’a vraiment surprise. Pour voir les spectacles, le public du festival – des habitants, de jeunes artistes, des programmateurs – occupe chaque millimètre d’espace vital disponible. C’est formidable. Ce théâtre là, je ne le connais pas en Russie.
À mes yeux, le théâtre de rue français est d’une grande vitalité, incroyablement imaginatif. C’est un théâtre où chaque rêve d’artiste peut devenir réalité. »
Huda Imam, consultante pour le Théâtre national palestinien de Jérusalem :
« Dès que je suis entrée dans Avignon intra muros, j’ai pensé instantanément aux murs qui entourent la Via Dolorosa, dans ma ville natale, Jérusalem. J’y ai découvert ces ruelles qui nous mènent aux pièces et aux artistes, toute cette effervescence, et la présence du public partout.
Le théâtre français y est cosmopolite et vibrant comme la Terre sainte, avec la liberté qui manque chez moi. Ne pas voir la police israélienne à chaque porte m’a rendue consciente de la beauté d’Avignon et du théâtre qui s’y joue. Cet événement est tellement international qu’il m’a aussi rendue à ma nature d’être humain, avec toute la légèreté de l’être. Jérusalem a le droit aussi de vivre ce genre d’événement pour que le théâtre palestinien puisse un jour participer avec ses productions au Festival d’Avignon. Pourquoi ne pas bâtir un festival ? »
Jutta M. Staerk, directrice artistique du Théâtre Comedia, à Cologne (Allemagne) :
« Ma grande admiration pour le théâtre français en général s’applique à la richesse des formes et au grand professionnalisme des artistes qui travaillent auprès du jeune public. De France, viennent des créations hybrides mêlant le théâtre, la danse, le cirque et la musique, que je n’ai jamais vues ailleurs sous cette forme. En sus de productions dramatiques très excitantes, les créations non verbales sont vraiment uniques.
À Avignon, j’ai vu d’étonnantes formes de théâtre narratif qui fonctionnaient de manière très peu conventionnelle avec le théâtre d’objet. Il y a un seul mystère pour moi, un manque : on aborde assez peu les sujets de société, comme la question des migrations, dans le théâtre jeune public français. Y a-t-il un tabou ?
La prééminence des directeurs de théâtre dans les choix artistiques est-elle la raison de l’absence de ces récits ? »
Rodrigo Francisco, directeur du Festival de Almada (Portugal) :
« La France a toujours été un phare pour tout ce que concerne la création théâtrale. C’est le cas pour nous, au Portugal, depuis toujours, notamment pendant les quarante-huit années pendant lesquelles notre pays a subi une dictature fasciste. La France a été alors, pour tous les acteurs du théâtre portugais, – et je pense surtout à celles et ceux qui étaient liés à la résistance – un exemple de liberté politique et d’excellence artistique.
Aujourd’hui, en raison de son solide système de théâtre public, mais aussi pour la quantité et la qualité de ses festivals, ou encore pour la diversité et la créativité de ses professionnels, artistes et programmatreurs, le théâtre français est encore une référence pour qui fait du théâtre partout dans le monde. À Almada, nous avons invité des metteurs en scène français presque chaque année, à l’image de Bernard Sobel et Alain Ollivier. »
Propos recueillis par Cyrille Planson