Dans le podcast “Cherchez la femme”, sur Tsugi Radio, elle met en avant des guitaristes, cheffes d’orchestre, compositrices… Flore Benguigui, chanteuse de L’Impératrice, travaille à pallier le manque de représentativité des femmes dans la musique.
Chanteuse du groupe disco-funk L’Impératrice, Flore Benguigui a le féminisme dans la peau. En 2019, elle signait le manifeste F.E.M.M (Femmes engagées des métiers de la musique), appelant au changement des mentalités et des pratiques dans ce milieu résolument masculin. En 2020, elle s’engageait dans le collectif MusicToo. Comme une suite logique, elle lançait l’année suivante son podcast Cherchez la femme, dans le but de faire entendre des musiciennes restées dans l’ombre.
À chaque épisode, une profession (guitariste, cheffe d’orchestre, compositrice…), une histoire (la chanteuse Darlene Love manipulée par son producteur Phil Spector, la guitariste Elizabeth Cotten tombée dans l’oubli…) et l’interview d’une musicienne contemporaine (la trompettiste Lucienne Renaudin Vary, par exemple). Une manière de pallier le manque de représentativité des femmes dans le monde de la musique, « le nœud du problème », selon elle.
Comment vous est venue l’idée de ce podcast ?
Un peu par hasard. J’ai toujours rêvé de faire de la radio. Avant de devenir chanteuse, j’allais assister à des enregistrements de France Culture et je voulais devenir chargée de production. Quand j’étais enfant, nous n’avions pas la télé à la maison. Alors la radio était tout le temps allumée. Encore aujourd’hui, j’écoute beaucoup de podcasts.
Un jour, j’ai été invitée dans l’émission Jazz the Two of Us de Tsugi Radio. L’idée était de créer sa propre playlist, sur le thème des harmonies vocales. De cette rencontre est née l’opportunité d’imaginer un podcast pour cette webradio. J’avais carte blanche et j’ai tout de suite pensé aux femmes dans la musique. C’est un sujet passionnant et trop peu traité.
Vous faites le choix de mettre en avant des musiciennes peu connues…
Je mets en lumière des femmes qui devraient, justement, être reconnues à leur juste valeur. Je n’ai pas fait une seule interview sans que chacune me parle de son syndrome de l’imposteur. J’ai voulu valoriser des initiatives, comme le concours La Maestra, réservé aux cheffes d’orchestre, créé par Claire Gibault. D’ailleurs, je prépare un épisode spécial sur cet événement. En tant que chanteuse, je me dis parfois que je ne fais rien pour les autres, que je suis narcissique. Or, avec ce podcast, j’ai l’impression d’être utile, de participer à quelque chose de plus grand. Car si j’ai connu moi-même le sexisme à mes débuts, lorsque j’étais chanteuse de jazz, j’ai eu beaucoup de chance. Ce n’est pas le cas de toutes mes collègues.
Vous parlez du sexisme que vous avez subi. Comment l’expliquer ? Et en venir à bout ?
Le nœud du problème est, selon moi, que le milieu de la musique est très masculin et que les femmes manquent de modèles, de personnalités auxquels elles peuvent s’identifier, qui les inspirent. Il y a une révolution à faire concernant le passé : il faut que les musiciennes se réapproprient leur héritage, prennent connaissance de l’histoire de toutes ces femmes tombées dans l’oubli. C’est à cela que doit servir mon podcast.
Ce qui est intéressant, c’est qu’elles ne sont pas du tout sous-représentées lors de l’apprentissage de la musique. Mais, au moment de la professionnalisation, elles disparaissent. Parce que les femmes sont hypersexualisées, mises dans des cases ou en concurrence pour leur physique… Aussi parce que certains hommes agressent, violentent et violent, mais restent en place. Tout cela les empêche de considérer qu’elles ont leur place dans cet univers. Notre seule porte de sortie, c’est la sororité.
Comment avez-vous appris à réaliser un podcast ?
En faisant ! Et en m’inspirant de tous ceux que j’écoute. J’avoue avoir sacrifié une partie de ma vie sociale : effectuer des recherches me prend énormément de temps, mais c’est aussi ce que je préfère. Fouiller, à la recherche de bonnes histoires, que je trouve géniales à raconter. Je me documente quasiment exclusivement aux États-Unis : pour pouvoir accéder aux bibliothèques américaines en ligne, je prétends préparer une thèse ! J’écris tout mon texte (sauf les blagues, bien sûr !) avant d’enregistrer la nuit dans ma chambre. J’ai aussi voulu que chaque épisode ait sa propre identité visuelle et j’ai donc fait appel à ma cousine Sarah Fabre, qui est illustratrice pour des BD et la presse. Elle m’inspire beaucoup.
Comment construisez-vous les épisodes ?
J’ai commencé à m’intéresser au synthé parce que cet instrument, en plus d’être une grande passion pour L’Impératrice, n’est jamais considéré comme féminin…
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