Imagine la culture demain | Arnaud Laporte, producteur de La Dispute et des Masterclasses, s'entretient aujourd’hui avec la comédienne, réalisatrice et metteuse en scène Zabou Breitman.
Longtemps connue sous son seul surnom, Zabou Breitman a affirmé pleinement son nom complet en signant la réalisation de Se souvenir des belles choses, pour lequel elle a reçu en 2003 le César du meilleur premier film.
Elle a depuis signé d’autres films, une série pour Canal Plus, mais aussi des mises en scène de théâtre, qui lui ont valu à ce jour 4 Molières.
A quoi pensez-vous ?
Zabou Breitman. Je pense, j'ai beaucoup pensé et je pense encore à ce qu'auraient pensé mes parents devant la crise du Covid-19. Je pense à leur réaction, à ce qu'ils auraient pensé. Je pense que ma mère aurait été triste parce que c'était une écologiste absolument convaincue, et je pense qu'elle aurait été absolument effondrée. Mon père aurait été heureux de l'aventure, c'est-à -dire étonné, curieux et fasciné par l'aventure. J'ai entendu une dame de 83-84 ans qui disait « Je suis contente de ne pas être morte pour avoir connu ça », et je comprends ce sentiment, même si je sais à quel point il y a des gens qui sont dans des galères épouvantables, qui ont connu des choses très graves. Mais je reste convaincue que c'est un moment exceptionnel, et qu'il y a quelque chose de l'ordre de l'aventure à l'intérieur de ça.
Dans ce moment exceptionnel, est-ce qu'il y a des choses que vous avez décidé de ne plus faire ?
Non, j'ai décidé de faire plus ce que je faisais déjà. Je suis heureuse de la vie, sans mièvrerie, mais j'aime la vie ou je suis très, très désespérée, mais sans absolu. Je suis contente quand il y a et pas forcément au bord du gouffre, quand il n'y a pas. En fait, je pense encore plus aujourd'hui ce que je pensais avant.
Mais est ce que cette crise a changé votre rapport au temps ?
Ce rapport au temps, je l'avais adolescente. J'ai eu la chance ou, en tout cas, il s'est trouvé sur ma route ce rapport au temps-là. Étant une enfant unique, j'étais une enfant minoritaire, et donc quand même un peu seule avec des adultes. Par la force des choses, et parce que ma famille a traversé une crise assez grave, je me suis retrouvée à m'ennuyer et à bouquiner et donc, ce rapport au temps, je le trouve merveilleux, et j'ai retrouvé ses sentiments d'adolescence. Je me suis rappelé cette vacance adolescente, et à quel point c'est important de perdre du temps, parce que je pense que c'est la bonne manière de l'envisager.
Est-ce qu'il y a des choses qui vous font peur aujourd'hui ?
Oui, il y a des choses qui me font peur. Je suis bouleversée par les gens qui sont inquiétés, par ceux qui étaient déjà en précarité, qui vont l'être encore plus, par ceux qui ne l'étaient pas encore, mais qui vont le devenir, par ceux qui vont perdre beaucoup de choses et qui se demandent comment ils vont manger demain. Je suis inquiète pour les jeunes, tous ceux qui ont démarré leur métier, leur travail, qu'ils soient artistiques ou pas, pour les jeunes artistes et pour les jeunes au théâtre, c'est très compliqué. Et pour tous ceux qui ont des élans, j'ai peur qu'il y ait beaucoup de gens qui aient eu les ailes un petit peu coupées. Je crains aussi pour les gens fragiles. Ça m'angoisse, ça me fait de la peine et ça me fait peur pour tous ces gens qui vont souffrir.
Qu'est-ce que l'art et la culture peuvent, selon vous, apporter à ce monde qui est quand même différent aujourd’hui ?
Je pense que ça l'a fait, on l'a vu dans ces moments bizarres du confinement. C'est la fenêtre qu'on trace : la culture et l'art permettent de fabriquer une fenêtre à partir de nulle part. Un petit peu comme les mathématiques décident que le zéro, c'est là. Ça se rejoint à cet endroit-là, c'est-à -dire que l'on décide « Tiens, on va imaginer », et c'est ça, le propre de l'homme. On va imaginer que la fenêtre, et bien il y en a une là. Être capable de s'échapper, c'est merveilleux, c'est pour ça que je pense que l'éducation et la culture sont des zones qui...
Lire la suite sur franceculture.fr