
Sénatrice (PS) d'Ille-et-Vilaine, vice-présidente du Sénat et membre de la commission « culture » du Sénat, Sylvie Robert fait partie des parlementaires spécialistes des politiques culturelles. L'élue bretonne livre à « La Gazette » sa vision du processus à engager pour sortir les politiques culturelles de leur crise actuelle.
Comment abordez-vous la crise que traversent aujourd’hui les politiques culturelles ?
Cela fait une vingtaine d’années que les acteurs culturels nous disent que les moyens dont ils disposent ont baissé. Mais aujourd’hui, la situation est assez différente compte tenu de l’ampleur du phénomène, qui nous oblige à nous interroger sur l’avenir et à le repenser.
L’ensemble du secteur culturel est plongé dans l’inquiétude, non seulement les acteurs subventionnés, mais aussi ceux du secteur marchand. Je n’oppose pas les deux secteurs, car ils sont en vérité imbriqués. Prenons l’exemple du cinéma : les régions y sont présentes, dans le cadre des commissions du film et les conventions avec le CNC. En aval de la filière, on les retrouve aussi auprès des exploitants de salles.
Enfin, cette crise budgétaire est aussi un tournant, car, pour certains élus, elle constitue un prétexte pour remettre en question le bien-fondé des politiques culturelles. Depuis 40 ans, il y avait un consensus politique sur la culture. Aujourd’hui, on voit des choix idéologiques chez certains élus, ce qui veut dire aussi des choix esthétiques. On voit d’ailleurs les cas de censure se multiplier.
Voulez-vous dire que la crise favorise les entraves aux libertés de création et de diffusion ?
Oui. Car la fin du consensus fait que des élus s’autorisent à ne plus mettre d’argent dans tel secteur ou sur tel projet, parce cela ne correspond plus sur le plan idéologique au projet qu’ils portent pour leur population.
De plus, si par idéologie libérale, on livre la culture aux seules lois du marché, on sait d’avance que des rapports de force s’installeront, avec des processus de concentration, qui sont d’ailleurs déjà à l’œuvre dans la musique, les festivals, ou la gestion des lieux
En fin de compte, on en arrive à la question démocratique. Je constate d’ailleurs que lorsqu’on parle de cette crise, le public est peu évoqué. Le rapport de la population à la culture, c’est-à-dire tout le processus d’acculturation qui se fait progressivement dans un territoire via les politiques publiques est absent du débat. Or la culture n’est pas seulement un projet artistique, et une politique culturelle n’est pas seulement le soutien à la création, c’est aussi tout ce qui va permettre que le projet artistique trouve sa traduction au plus près de la population.
Que dites-vous aux acteurs culturels que vous rencontrez ?
Je ne cesse de les encourager à rester solidaires et à s’engager dans une réflexion ouverte, pour trouver, ensemble, des solutions.
Certes, il existe des singularités et des enjeux spécifiques à chaque filière. Néanmoins, je suis persuadée que cette solidarité doit passer par une vision politique et transversale de ces enjeux. Donc quel que soit le sujet abordé, c’est l’ensemble du secteur qui doit se mobiliser sur des principes collectifs. Par exemple, lorsque les droits d’auteur sont remis en question par l’IA, l’Europe etc., c’est l’ensemble du secteur culturel qui doit se mobiliser, parce que, finalement, cela concerne l’ensemble des artistes.
Je pense aussi au ministère de la Culture, qui, compte tenu des fractures territoriales existantes, ne doit pas négliger de s’intéresser à ce qui se passe dans les territoires ruraux.
Mais le ministère de la Culture met en oeuvre un plan Culture et ruralité…
Oui. Mais quand je rencontre des acteurs ruraux, ils me disent qu’ils attendent toujours l’argent ! Le ministère parle de 98 millions d’euros sur trois ans, dont 20 millions étaient prévus pour 2024, et 14 le sont pour 2025. De plus, on voit bien que les 98 millions ne pourront pas être atteints sur trois ans. Donc il s’agit de promesses qui ne seront pas tenues, et ça, c’est terrible pour les...
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