À l’heure où les théâtres peinent à attirer les jeunes publics, certains ont recours à la réalité virtuelle et aux nouvelles technologies comme outil de médiation. Le Monfort a travaillé avec l’Ecole des Mines sur ce sujet et propose une démonstration ce vendredi 17 décembre, juste avant le spectacle.
Comment aller à la rencontre d’une nouvelle génération de spectateurs en exploitant sa prédilection pour le digital ? Augmenter l’accessibilité du spectacle vivant grâce à la réalité augmentée ? Ou encore, utiliser la réalité virtuelle pour faciliter le travail des créateurs de spectacles ? Tels sont les défis qu’ont relevé le Monfort et d’autres lieux de spectacle vivant en s’associant à MOVIE, l’enseignement dédié aux Mondes Virtuels de l’Ecole des Mines – Paris Tech. Chloé Bourret est responsable des relations avec les publics au Monfort Théâtre, et nous explique l’intérêt de ce partenariat.
À l’origine, comment est né ce partenariat entre l’Ecole des Mines et le Monfort Théâtre ?
Chloé Bourret : C’est un responsable pédagogique intervenant à l’Ecole des Mines qui a provoqué cette rencontre. Cet homme venait régulièrement au Monfort, en tant que spectateur. Ici la programmation est toujours étonnante, un peu déjantée, hybride en termes de formes artistiques. Le public peut aussi bien assister à des spectacles de magie que de cirque, de théâtre ou de danse. Comme ces arts sont très visuels, ce spectateur a senti un potentiel : il a eu envie de faire s’entrecroiser son métier et ses passions. Nous avons donc eu une longue discussion pour définir ce qu’un partenariat comme celui-ci pourrait apporter au théâtre. Après plusieurs heures de vulgarisation, nous avons établi un certain nombre de projets, axés sur la médiation et les relations aux publics, plus que sur l’artistique. L’idée c’était de transposer en version numérique les activités quotidiennes au Monfort, à savoir les ateliers, les visites du lieu, les rencontres avec les artistes, etc.
Innover donc, mais dans quel but ? À quel besoin répond ce partenariat ?
Chloé Bourret : On cherche à diversifier nos publics, à le rajeunir aussi. L’idée ce n’est pas tant de sauver le théâtre en tant qu’art, de préserver son esthétique, mais de sauver la venue au théâtre. Quand je rencontre des lycéens et que je leur demande qui dans leur entourage se rend au théâtre, ils me répondent que ce sont les vieux… Il y a aujourd’hui tellement de supports de divertissement, de concurrence, qu’il est impératif de se réinventer. Attirer les jeunes c’est une préoccupation à l’échelle nationale, voire internationale, pas seulement au niveau du Monfort. L’Opéra de Paris l’a compris bien avant nous en lançant par exemple son escape game.
Et vous, que proposez-vous ?
Chloé Bourret : Cinq projets ont pu voir le jour, trois sont en réalité virtuelle, deux font simplement appel aux outils numériques classiques. C’était une volonté du responsable pédagogique de l’Ecole des Mines, faire comprendre à ses élèves de n’avoir recours à la réalité virtuelle que lorsque c’était nécessaire. Le premier projet développé par exemple, c’est celui d’un jeu vidéo, disponible sous Android pour justement attirer en-dehors du théâtre, pour aller chercher d’autres publics, simplement équipés d’un smartphone ou d’un ordinateur. Avec le jeu « Flashman sauve le monde », on a ainsi créé une extension du spectacle « Georges sauve le monde ». Ici le joueur incarne le super-héros Flashman ; il a pour mission de débarrasser la ville de robots envahisseurs. Je suis allée rencontrer certains lycéens, ils n’étaient pas certains de vouloir venir voir le spectacle… mais après avoir joué, ils étaient beaucoup plus convaincus. Ce sont de nouveaux formats, semblables à celui-ci qui leur plaisent. Sur le modèle du jeu pour Wii Just Dance, les équipes ont aussi mis au point deux dispositifs pour permettre à ceux qui veulent, d’apprendre les principaux pas et figures de breakdance. Retransmis sur un écran, le joueur peut ainsi essayer de les reproduire.
Quels sont les trois projets qui nécessitent d’avoir recours à un casque de réalité virtuelle dans la salle de spectacle ?
Chloé Bourret : Le premier s’adresse aux équipes artistiques accueillies au Monfort, pour leur permettre de réfléchir à l’adaptation de leur scénographie à la salle , en amont de leur venue au théâtre. Grâce à la réalité virtuelle, ils peuvent ainsi faire du repérage, réaliser une projection spatiale, penser la lumière, le son, imaginer des mises en scène avec une base de données d’objets, comme dans un jeu vidéo. Les deux autres projets s’adressent au public. Vous avez un outil virtuel qui permet aux personnes sourdes et malentendantes de profiter d’un spectacle en toute autonomie, sans avoir recours à une personne qui signerait dans la salle. Pour cela, l’idée c’est de faire apparaître sur scène, grâce à des lunettes de réalité augmentée et à un traqueur vocal, la silhouette d’un interprète LSF, que les personnes sourdes et malentendantes seraient alors les seules à percevoir. Le dernier projet s’adresse à tous : c’est un escape game. Certains espaces du théâtre ont été captés en photogrammétrie. Le visiteur, muni d’un casque de réalité virtuelle, se trouve alors plongé dans une intrigue qui l’amène à parcourir le théâtre tout en découvrant son histoire, des abattoirs de Vaugirard à la conception de la salle par Claude Parent, en passant par la carrière et l’influence de Silvia Monfort.
Quel avenir pour ces cinq projets ? Seront-ils disponibles sur le long terme ?
Chloé Bourret : Ce sont tous des prototypes, qui ont nécessité deux mois et demi d’investissement de la part des 70 étudiants, mais ce ne sont pas des produits finis, commercialisables. Peut-être que certains seront développés par les étudiants au cours des prochaines années ; pour le moment nous n’allons conserver que l’escape game et le jeu vidéo “Flashman sauve le monde”. On envisage toutefois de reconduire cette convention de partenariat, de participer à nouveau à ce module. L’année prochaine, on aimerait valoriser encore plus le patrimoine du Monfort, peut-être concevoir un autre escape game, centré non pas sur l’intérieur du bâtiment mais sur le site tout entier. Cela suppose d’intégrer le parc derrière, les anciens abattoirs, la petite ceinture… d’étendre le territoire de spatialisation de la VR. On a découvert un ...
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