Les Eurockéennes de Belfort se réjouissaient de leur retour. Mais l’annulation des deux premières soirées, après un violent orage, est venu s’ajouter aux nombreux défis (Covid, hausse des coûts, manque de techniciens...) qui pèsent sur les organisateurs de festivals.
Après deux années blanches, le festival de musiques actuelles entendait lancer sa 32e édition jeudi 30 juin sur la presqu’île de Malsaucy. C’était sans compter sur un orage hors norme qui a fait plusieurs blessés – dont un grièvement – et forcé l’annulation des deux premiers jours du rendez-vous belfortain. En 2018, le festival avait accueilli 135 000 spectateurs et comptait bien approcher ce record, avec des têtes d’affiches massives (Nick Cave and the Bad Seeds, Stromae, Simple Minds, Muse...) et une relève rock énergique (Geese, Big Thief, Squid, Amyl and the Sniffers, Wet Leg…). Mais entre pénurie de techniciens, concurrence accrue et hausse des cachets, la tâche n’est pas aisée cette année pour les festivals d’été, confrontés aussi à un regain de l’épidémie de Covid ainsi qu’aux soubresauts du climat. Son directeur, Jean-Paul Roland, fait le point sur cette saison du retour chaotique, alors que les Eurockéennes débutent réellement ce samedi.
Les violents orages de jeudi soir ont montré la vulnérabilité grandissante des festivals face au climat. Quelles leçons tirez-vous à chaud ?
Nous avons eu affaire à un phénomène exceptionnel, un orage supercellulaire, en jargon météorologique, qui a totalement dépassé nos prévisions. Le choc psychologique est important, surtout pour le public, compte tenu de la présence de blessés (sept dont un grave, mais dont l’état est stationnaire). Nous avions alerté sur les fortes pluies, mais ces aléas du climat révèlent en effet la fragilité des festivals et les risques qui pèsent aujourd’hui sur nos évènements. Il faudra dresser un bilan à la fin de l’été : c’est la première fois que l’on voit des festivals annulés pour cause de canicule (en l’occurence, le festival FreeMusic, annulé les 17-18 juin)... Il faudra aussi instaurer une ligne de conduite au niveau national, pour que la gestion de ce type d’évènements climatiques ne repose pas uniquement sur les préfets.
On parle d’une pénurie de techniciens pour tous les festivals cet été, qu’en est-il ?
La tension est réelle avec les tournées qui reprennent, les nouveaux festivals, en plus de ceux qui existent déjà. On fait face à une pénurie de techniciens car beaucoup ont quitté le secteur du spectacle vivant (on parle de 20 %) : certains étaient proches de la retraite, d’autres sont partis dans l’audiovisuel, car c’était le seul secteur qui continuait à tourner pendant la pandémie. Cette chute des effectifs nous a poussés à recruter dans toute la France. Sur quatre cents techniciens, il nous manquait une vingtaine de personnes. On a complété avec des équipes non spécialisées.
Qu’en est-il aussi du manque de matériel ?
Tout le monde cherche des bouts de scène, des transporteurs… Heureusement, nos scènes sont commandées depuis un an. Mais il y a beaucoup de matériel « sur la route » : il suffit qu’un festival se positionne juste avant vous, et c’est l’embouteillage. Un exemple : le tout nouveau festival Inversion, à Lyon, s’est positionné deux week-ends avant les Eurockéennes. Ce festival a deux scènes côte à côte : l’une d’elles partait ensuite à Garorock, à Marmande, l’autre chez nous. Cette scène qui arrive à la dernière minute génère de la tension dans l’organisation. On a bossé vingt-quatre heures sur vingt-quatre pendant les deux jours précédant le festival.
Dans quelle situation financière se trouvent Les Eurockéennes ?
On a beaucoup de chance car nous sommes sortis indemne de cette pendémie : la combinaison des aides de l’État, du Centre national de la musique, les prêts garantis, le maintien des subventions et de certains dons de mécènes ont permis d’assurer notre survie. Notre petite équipe de neuf personnes est toujours en place. Le public est resté à nos côtés : pour Muse, programmé en 2019 et qui affichait complet, les festivaliers ont pour beaucoup conservé leurs billets, sans demander de remboursement. Il faut les saluer. Et Muse rejoue cette année. Evidemment, ces deux premières soirées annulées assombrissent d’un coup le tableau. On est en discussion avec nos assurances, mais il faudra rembourser les festivaliers.
On dit le public plus difficile à faire revenir…
Nous sommes dans la moyenne des ventes de billets des quatre dernières années pré-pandémie, c’est-à-dire que l’on prévoyait de terminer certainement entre 110 000 et 120 000 spectateurs sur quatre jours. Soit notre fréquentation journalière habituelle. Les gens sont au rendez-vous, mais différemment. On a remarqué que les billets trois jours se sont moins bien vendus, au contraire des billets à la journée. On peut relier ces comportements à la suroffre. Mais il y a certainement des raisons financières aussi. On sait très bien qu’un festival, ce n’est pas simplement le billet d’entrée, c’est aussi...
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