Jean-Paul Roland, directeur du festival de musique belfortain, revient sur les raisons qui l’ont poussé à annuler l’édition 2021. Il dénonce le manque de moyens donnés aux festivals par l’Etat pour leur permettre d’avoir lieu.
Pressentie, autant que redoutée, à mesure que se profilaient les échéances saisonnières, la tendance s’est implacablement confirmée cette semaine : un nombre exponentiel de festivals pop (au sens le plus large du terme) jettent l’éponge pour la deuxième année consécutive. Après Solidays et le Hellfest, qui avaient pris les devants, ces derniers jours ont en effet vu la capitulation de plusieurs rendez-vous phare, échafaudés sur des programmations internationales et habitués à accueillir les spectateurs par dizaines de milliers. Autrement dit, aux antipodes des nouvelles règles «Covid-compatibles», édictées mi-février par la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot – à commencer par une jauge plafonnée à 5 000 personnes assises par jour. Ainsi, l’hécatombe vient-elle de connaître une brusque accélération avec, coup sur coup, l’officialisation des annulations de Beauregard (à côté de Caen), Main Square (à Arras), Lollapalooza (sur l’hippodrome de Longchamps, à Paris), Musilac (à Aix-les-Bains) et les Eurockéennes de Belfort.
Directeur de ce dernier festival, créé en 1989 et tournant autour de 130 000 billets vendus par édition, Jean-Paul Roland explique les raisons pour lesquelles Massive Attack, Diplo, Simple Minds ou DJ Snake brilleront début juillet par leur absence sur la presqu’île du lac de Malsaucy, comme ailleurs.
Au-delà d’une légitime tristesse, que vous inspire le fait de devoir annuler votre festival pour la deuxième année consécutive ?
J’ai éprouvé comme un vertige, en m’apercevant que nous avons dû renoncer à l’édition 2021 encore plus tôt qu’à celle de 2020, où l’annonce avait été faite le 14 avril ! Alors, il y a d’une part, de la frustration, car nous prenons cette décision au moment où le chef de l’Etat entretient l’espoir d’un début d’issue d’ici quelques semaines. Nous voici donc, contre notre gré, les mauvais messagers qui naviguent à contre-courant. Mais j’éprouve aussi une certaine rage, car nous aurions pu imaginer un autre scénario si le gouvernement avait consenti à instaurer un fonds de garantie assurantiel, qui nous aurait permis de maintenir l’hypothèse d’un festival où les frais engagés auraient été remboursés au cas où il n’aurait finalement pas pu se tenir.
Au lieu de quoi, mi-février, on nous dit «montez dans l’avion», mais, à défaut de parachute, on vous propose un matelas dont on accepte, tout au plus, de discuter de l’épaisseur. Or, dès le début, nous avons prévenu la ministre de la Culture qu’elle ne pouvait pas se gausser de sauver les festivals sans ce fameux fonds, synonyme d’espoir, qui existe par ailleurs dans des pays tels que le Japon, l’Allemagne ou la Norvège. Nous voici donc sacrifiés avec, qui plus est, la perspective de passer pour les gros balourds incapables de s’adapter.
Qu’espériez-vous, réellement, sur le terrain ?
Que la situation sanitaire finisse enfin par évoluer dans le bon sens, d’ici fin mai, début juin. Que cela permette d’imaginer un public debout. Que cette fameuse jauge de 5 000 personnes ne soit pas un critère rigide, mais qu’elle...
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