
La reprise en main du président américain dans la capitale passe également par la mise sous tutelle du récit historique national, à travers la prise de contrôle de deux institutions culturelles, le Smithsonian et le Kennedy Center.
En cette matinée du mercredi 13 août, les militaires de la garde nationale patrouillent aux abords du National Mall, à Washington DC, là où siègent les principales institutions politiques des Etats-Unis, signe de la reprise en main par Donald Trump des forces de police de la capitale. Mais, à quelques centaines de mètres de là, c’est une autre mise sous tutelle qui se joue, moins spectaculaire, mais tout aussi importante : celle du récit historique américain, à travers la prise de contrôle des deux principales institutions culturelles de la ville, la Smithsonian Institution et le Kennedy Center.
« Il y a quelques mois, je suis devenu président du Kennedy Center et nous avons complètement inversé la situation, nous avons mis fin à la programmation politique “woke” et nous sommes en train de rétablir [cette institution] comme lieu privilégié des arts du spectacle », a clamé Donald Trump, mercredi, lors d’une cérémonie dans le hall de l’établissement, visant à dévoiler les noms des lauréats des Kennedy Center Honors, des récompenses prestigieuses pour les artistes aux Etats-Unis. La liste porte son empreinte, avec la présence notamment de l’acteur et réalisateur, Sylvester Stallone, l’un de ses proches.
Le bâtiment imposant, tout en marbre, colonnades et chandeliers, qui rivalise par la taille avec les autres monuments présidentiels de la ville, est le principal lieu de spectacle à Washington, avec ses trois grandes salles de concerts et son orchestre symphonique. Construit au bord du Potomac sous Eisenhower, il a été dédié à John Fitzgerald Kennedy, par décision bipartisane du Congrès, après son assassinat, en 1963. Les cadeaux de plus d’une soixantaine de pays, en mémoire du président démocrate, y sont exposés.
La programmation est très diverse, accueillant tant de l’opéra que des spectacles de hip-hop ou les plus gros succès de Broadway. Sitôt intronisé en janvier, Donald Trump s’était autoproclamé président de l’institution et avait remodelé le conseil d’administration à sa main. Il a déjà fait graver son nom dans le marbre, au pied de la liste des conservateurs de l’établissement et fait mine de vouloir le mettre un jour au fronton.
« Supprimer les récits qui divisent »
Le Kennedy Center n’est pas la seule cible de Donald Trump. La veille, c’est le Smithsonian, la plus grande institution culturelle publique de la ville et du pays, avec ses 21 musées et ses 14 centres de recherche, qui avait reçu une mise en demeure de la part de la Maison Blanche. Le courrier adressé à la direction, et révélé par The Wall Street Journal, annonce un examen des expositions présentes et à venir, afin de « garantir l’alignement sur la directive du président visant à célébrer l’exception américaine, à supprimer les récits qui divisent ou sont partisans, et à rétablir la confiance dans nos institutions culturelles communes ».
Les musées sont vivement invités à mettre de côté les présentations jugées négatives ou antipatriotiques de l’histoire américaine, pour se concentrer sur les aspects positifs. Les opérations de contrôle devraient être finies début 2026 et les musées auront cent vingt jours pour corriger les contenus jugés problématiques.
Cette double offensive n’est pas une surprise. Au Kennedy Center, Donald Trump avait annoncé son intention de revoir la programmation pour élaguer les programmes contraires à sa vision de la culture. Un interventionnisme qui, semble-t-il, coûte cher à l’institution, financée en partie par la billetterie. Donald Trump a vanté, mercredi, les recettes en hausse, mais un membre de l’établissement, interrogé par Le Monde, mentionne, de son côté, une baisse de plus de 30 %.
Quant au Smithsonian, il faisait déjà partie des bêtes noires du président. Le 27 mars, il avait signé un décret baptisé « Restaurer la vérité et la raison dans l’histoire américaine », qui ciblait l’institution, accusée d’être « tombée sous l’influence d’une idéologie conflictuelle et centrée sur la race. Ce changement a favorisé des récits qui présentent les valeurs américaines et occidentales comme étant intrinsèquement nuisibles et oppressives ». Il avait demandé à J. D. Vance, le vice-président, membre du conseil d’administration, d’intervenir rapidement.
« Faire taire les voix critiques »
Donald Trump n’est pas le premier à vouloir remodeler en partie les institutions culturelles de la capitale, qui ont toujours fait l’objet des appétits politiques. Chaque président a souhaité apposer sa patte, notamment architecturale. Mais l’interventionnisme direct de la...
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