
Une enquête du «New York Times» alerte sur la déroute d’un secteur qui continue de subir de plein fouet l’inflation et peine à se réinventer.
Les music-halls de New York déchantent. La saison 2024‑2025 a été morose pour Broadway. Sur une quarantaine de comédies musicales au total, 18 étaient nouvelles, comme Smash et Boop !, qui mettaient en scène les icônes pop Marylin Monroe et Betty Boop. Mais pas une seule de ces productions inédites n’a été rentable, pointe le quotidien américain le New York Times, dans une longue enquête parue lundi 22 septembre.
«Broadway est une industrie théâtrale privée basée sur une logique de profit», que certains ont cessé d’appréhender comme un business juteux, rappelle à Libé Emeline Jouve, professeure à l’Université Toulouse - Jean Jaurès, spécialisée dans le théâtre étasunien. C’est le cas d’Andrew Lloyd Webber, qui a composé le Fantôme de l’Opéra inspiré de l’œuvre de Gaston Leroux, la plus vieille comédie musicale disparue des affiches de Broadway en avril 2023. «Les statistiques sont terribles. Je suis très inquiet. Je regarde les aspects économiques de la situation et je ne vois pas comment elle pourrait perdurer», a déclaré l’impresario britannique dans une interview au New York Times.
La fréquentation des music-halls s’est pourtant rétablie après la coupure de la pandémie. Pour la première saison complète de reprise, en 2022-2023, le taux d’occupation des sièges était de 88 %. Deux ans plus tard, en 2024-2025, il atteint 91,2 %, un chiffre qui frôle le record historique de la saison 2018‑2019.
130 dollars la place
Les causes de la déroute sont donc à chercher ailleurs, au niveau des coûts de production. Dans les années 60 déjà, alors que le secteur du divertissement à Broadway était frappé d’une dure crise, William Baumol et William Bowen, deux chercheurs américains, s’étaient penchés sur son économie, mettant en lumière une dynamique de faibles gains de productivité conjuguée à une hausse constante des coûts de production. Une loi économique, dite «loi de Baumol», qui s’illustre encore aujourd’hui, avec des coûts de production devenus exorbitants ces dernières années : Death Becomes Her, un spectacle de la saison passée qui comptait 20 personnes au plateau a coûté 31,5 millions de dollars (environ 27 millions d’euros) à produire, contre 14 millions pour la comédie musicale Something Rotten créée il y a dix ans, et dont la distribution était similaire.
Et malgré leur prix élevé - il faut compter en moyenne 130 dollars (environ 110 euros) pour une entrée dans un music-hall - les recettes de billetterie ne compensent pas cette explosion des coûts. Les tarifs des tickets n’ont d’ailleurs augmenté que de 3 % seulement par rapport à la période précédant la pandémie.
«Il ne faut pas oublier qu’une part importante du public est composée de touristes, pour qui le coût d’un séjour à New York a considérablement augmenté ; plutôt que de prendre le risque d’un nouveau spectacle, la tendance serait donc de privilégier une valeur sûre, un classique», rappelle Emilie Jouve. Une frilosité qui explique le succès infatigable des grands shows, comme Hamilton, Mamma Mia ou...
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