
La contrainte budgétaire et l’instabilité gouvernementale ont conduit à en réduire fortement l’enveloppe à la rentrée, sans perspective sur son montant futur, provoquant l’arrêt brutal de nombre de projets et empêchant leur programmation.
Depuis la rentrée scolaire, dans les collèges et les lycées, les équipes dressent la liste des projets culturels en suspens, voire abandonnés. Et elle est longue. En cause : la très forte contraction des dotations de la part collective du Pass culture, dont tous les établissements ont découvert l’ampleur en septembre.
Dans le lycée de Sébastien Volpoët au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), les projets d’ores et déjà prévus par les enseignants représentent plus de 13 000 euros. Au titre du Pass culture, le proviseur n’a cependant reçu que 4 225 euros à la rentrée, contre plus de 37 600 euros en septembre 2024. « Pour 1 850 élèves, ça fait à peine plus de 2 euros par tête, ce n’est même pas une place de cinéma pour chacun », constate amèrement le chef d’établissement, également secrétaire académique du SNPDEN-UNSA à Créteil. Loin des 20 à 30 euros par élève normalement alloués à ce dispositif phare de l’éducation artistique et culturelle. Un amaigrissement devenu l’emblème, à l’échelle des établissements scolaires, des tensions budgétaires et de l’absence de visibilité politique.
La réduction de ces enveloppes est la conséquence d’une double problématique. Créée en 2021, la part collective du Pass culture – dont il existe également une part individuelle, versée à chaque jeune de 17 ans et 18 ans – a constitué, selon les mots de plusieurs enseignants et proviseurs, une « révolution positive ». Les équipes s’en sont désormais pleinement saisies pour développer l’éducation artistique et culturelle, jusqu’ici en mal de financement au sein de l’éducation nationale.
Au mois de janvier 2025, face à l’afflux de réservations d’activités, le ministère de l’éducation nationale a décidé de bloquer les demandes, pour éviter que le budget annuel de 72 millions d’euros ne soit entièrement consommé avant la fin de l’année civile. Les enveloppes restantes ont été reprises aux collèges et aux lycées, avec la promesse de répartir le reliquat à tous les établissements en septembre.
Ce sont ces 15,2 millions d’euros qui ont été distribués à la rentrée. Mais, pour la première fois, les établissements n’ont reçu des moyens que pour la période de septembre à décembre et non pour l’ensemble de l’année scolaire, faute de visibilité sur le budget 2026. Si le ministère a toujours assuré que « l’ambition » de part collective du Pass culture serait « maintenue », il n’a jamais indiqué dans quelle proportion. Et la situation tendue des finances publiques, doublée de la profonde crise politique que traverse la France, privée de gouvernement en pleine période d’élaboration du budget, ne laisse entrevoir aucune perspective aux équipes.
Projets abandonnés
Ronan Minier, principal d’un collège de 1 000 élèves à Latresne (Gironde), et ses équipes n’avaient consommé que la moitié de leurs 24 000 euros de dotation en janvier, quand les rectorats ont gelé les fonds. Il espérait en récupérer l’équivalent en septembre ; le collège n’a reçu que 2 600 euros. Plusieurs projets votés au conseil d’administration en juin dépassent le montant de l’enveloppe. Le collège avait par exemple pris l’habitude de financer une représentation théâtrale pour tous les élèves de 3e, un projet qui avoisine 2 000 euros. « On se demande ce qu’on doit choisir, soupire celui qui est aussi secrétaire académique adjoint du SNPDEN-UNSA. Pour l’instant on temporise, on négocie avec les intervenants culturels, mais je sais que des projets votés ne pourront pas se réaliser. »
Faute de visibilité sur les montants à partir de janvier 2026, les équipes renoncent à s’engager pour des spectacles, des rencontres avec des artistes, ou encore des visites. Plusieurs collectivités, départements ou régions ont par ailleurs aussi réduit leurs dotations.
Les répercussions sont multiples, y compris pour les acteurs culturels, dont plusieurs comptent sur les actions financées dans les établissements scolaires par le Pass culture. Pierre Robineau est professeur de théâtre dans un lycée privé et directeur d’une compagnie de théâtre en Seine-et-Marne. Depuis septembre, plusieurs établissements scolaires avec qui il était en contact pour un spectacle prévu début avril 2026 lui ont annoncé qu’ils ne pouvaient pas s’engager. « C’est une catastrophe : le calendrier des engagements artistiques est pensé des mois à l’avance, on a des salariés, on fait intervenir de multiples professionnels, et là, nous n’avons plus aucune visibilité », fustige-t-il.
« Véritable coup de massue »
Même inquiétude dans l’Yonne, où Antoine Linguinou dirige une compagnie et un théâtre municipal. Sur la quinzaine de dates de spectacle prévues cette saison avec sa compagnie, quatre sont suspendues à l’arbitrage financier d’établissements scolaires. Quant au théâtre municipal, environ 4 500 euros des 25 000 euros que lui rapporte une saison dépendent du partenariat avec un collège voisin, et l’enveloppe du Pass culture n’est plus suffisante pour les payer. « Heureusement, ils ont réussi à financer autrement », précise-t-il, rassuré. Mais il...
Lire la suite sur lemonde.fr