
Dans un rapport sur les agences de l’État, Christine Lavarde (LR) et Pierre Barros (PCF) recommandent d’en finir avec la part individuelle du pass Culture et la société qui le gère. Une décision qui mériterait une plus ample réflexion.
Qui veut la peau du pass Culture ? La liste ne cesse de s’allonger. Au rang des contempteurs historiques, on trouve les organisations professionnelles du spectacle vivant et les partis de gauche. Dans un style moins politique mais pas moins cinglant, l’Inspection générale des affaires culturelles puis la Cour des comptes l’ont chacune étrillé en 2024, dans des rapports peu aimables. Dernier en date, un tandem de parlementaires qu’a priori pas grand-chose ne réunit : la sénatrice (LR) Christine Lavarde et le communiste Pierre Barros, auteurs d’un volumineux rapport sur « Les agences de l’État », rendu public le 3 juillet.
Ensemble, ils se sont plongés dans cet épais maquis composé de 434 opérateurs, 317 organismes consultatifs, et 1 153 organismes publics nationaux. Si les deux sénateurs ne ménagent pas leurs critiques concernant ces agences : « émiettement de l’action publique », « capacité de pilotage » parfois douteuse, « perte de compétence technique et financière de l’État »… et proposent la suppression ou la fusion de certaines d’entre elles, la France n’est pas les États-Unis, où le gouvernement de Donald Trump réalise des économies budgétaires massives sur le dos des agences d’État. « Tous ceux qui annoncent des milliards d’euros d’économies mentent un peu aux Français », affirme Christine Lavarde. Une pierre dans le jardin de la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, qui avait annoncé deux à trois milliards d’économies sur les agences et opérateurs d’ici deux à trois ans.
Eux tablent plutôt sur un peu plus d’un demi-milliard d’euros d’économies générées, entre autres, par la disparition pure et simple de la part individuelle du pass Culture et de la société chargée de la gérer. Leur conclusion est lapidaire : « La commission d’enquête considère que la part collective devrait être gérée par le ministère de l’Éducation nationale, en cohérence avec les autres actions menées dans les lycées. Quant à la part privée [en réalité la part individuelle, ndlr], sa capacité à développer la pratique culturelle n’étant pas acquise, il est proposé de la supprimer. En conséquence, la Société Pass Culture n’aurait plus d’objet et serait supprimée. » Un clou de plus au cercueil de la mesure phare voulue par Emmanuel Macron en matière de politique culturelle.
Une sentence qui passe mal
Là où nos deux sénateurs vont un peu vite en besogne, c’est qu’avant de rayer le pass Culture du paysage, il semble ne pas avoir le moins du monde pris en compte les évolutions récentes qui lui ont été apportées. Or si on peut tout à fait légitimement discuter de la pertinence du pass Culture et de la nécessité de le conserver ou non, mieux vaut le faire en connaissance de cause et en en mesurant les conséquences, ce qui n’est visiblement pas le cas. Au ministère de la Culture, on ne cache pas être tombé de l’armoire à la lecture du rapport. « Au lieu d’avoir un lapidaire “Ça ne fonctionne pas” , nous aurions préféré qu’ils regardent les évolutions qualitatives et quantitatives apportées au pass. Il serait très, très décevant d’envisager que, du jour au lendemain, environ trois millions de jeunes en soient privés, alors que 89 % d’entre eux y ont recours, et qu’à un tel niveau d’appropriation il touche aussi les jeunes les plus éloignés de la culture », s’agace-t-on Rue de Valois. Ce dernier argument n’est évidemment pas choisi au hasard. Outre son coût élevé, la principale critique émise contre la part individuelle du pass Culture est qu’elle reste encore trop souvent un simple instrument de consommation culturelle et de reproduction sociale. Autrement dit, qu’elle ne participe pas à une plus grande démocratisation de la culture et n’incite pas les jeunes à une plus grande diversification de leurs pratiques. C’est d’ailleurs ce que disent les...
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