
La Villa Gillet, l’Opéra de Lyon, l’Institut Lumière, le TNP ou encore la Biennale d’art contemporain subissent des coupes financières importantes. La région Auvergne-Rhône-Alpes invoque un rééquilibrage territorial. Les élus lyonnais y voient une instrumentalisation politique.
La majorité régionale d’Auvergne-Rhône-Alpes, présidée par Laurent Wauquiez (Les Républicains, LR), a brutalement annoncé une série de suppressions de subventions culturelles, touchant des institutions majeures de la deuxième région de France. Le conseil régional envisage de retirer complètement, ou de baisser partiellement, des aides financières conséquentes auprès de la Villa Gillet, de la Biennale d’art contemporain, de l’Opéra de Lyon, de l’Institut Lumière, et du Théâtre national populaire (TNP). La mesure s’appliquerait très rapidement, pour un montant de près de deux millions d’euros, selon des indications parcellaires, distillées dans la presse locale.
« On a beaucoup aidé certaines structures, ce n’était pas forcément le rôle de la région de les aider autant », a indiqué Sophie Rotkopf (LR), vice-présidente chargée de la culture, dans Le Progrès, vendredi 22 avril. Depuis, l’élue est injoignable.
La majorité régionale affirme que le budget global consacré à la culture, d’un montant de 62 millions d’euros, demeurerait inchangé, sans fournir de précision sur les nouvelles affectations financières. La vice-présidente à la culture a évoqué l’objectif « d’irriguer la culture jusque dans les territoires les plus éloignés ». Lesquels ? « Il n’y a pas de jugement porté sur les actions conduites par ces structures, simplement le souci de conduire l’action culturelle régionale sur l’ensemble du territoire », s’est borné à préciser le cabinet de Laurent Wauquiez, qui tient à rappeler que « 60 % des engagements régionaux se portent sur des structures basées dans les métropoles ».
« Nous n’avons aucune information, nous avons découvert ces décisions dans la presse, rien de cela n’a été annoncé ni même discuté au sein de l’assemblée régionale », déplore Samuel Arnaud (Parti socialiste, PS), conseiller régional et membre de la commission culture. Les suppressions d’aides concernent toutes des institutions de la région lyonnaise. Ce qui fait dire aux élus de Lyon et de Villeurbanne que l’opération relève d’une logique purement politique, sous couvert d’une meilleure répartition géographique.
« L’argument du rééquilibrage géographique est fallacieux. L’exécutif régional méconnaît les nombreuses actions de médiation et de diffusion opérées par ces différentes structures sur l’ensemble du territoire aurhalpin, bien au-delà de la seule ville de Lyon. Scandaleux ! », a tweeté Grégory Doucet (Europe Ecologie-Les Verts, EELV), maire de Lyon, vendredi 29 avril.
Une « vision étriquée de la culture »
Le choix de la région porte un sérieux coup à la Villa Gillet, à la veille de son Festival international de littérature, Littérature Live, prévu du 16 au 22 mai. L’institution majeure de promotion du livre se voit privée de 350 000 euros de subvention régionale, soit le tiers de son budget annuel. La Villa Gillet a « une empreinte strictement lyonnaise et métropolitaine. Son financement revient aux collectivités concernées », a déclaré la vice-présidente, Sophie Rotkopf. Avec une cinquantaine d’auteurs invités, le festival prévoyait quinze rencontres littéraires itinérantes, dans vingt-quatre lycées de la région. « La Villa Gillet est un lieu de débat, de soutien aux librairies indépendantes, de rencontres. Tout ce dont on manque aujourd’hui quand l’extrême droite est à la porte du pouvoir en France », a réagi Nathalie Perrin-Gilbert, adjointe à la culture à la mairie de Lyon.
La région envisage aussi d’amputer de 500 000 euros le budget annuel de l’Opéra de Lyon. Le montant est exactement le même que celui opéré en 2021 par la mairie de Lyon, mais il est proportionnellement beaucoup plus significatif, puisque l’aide municipale s’élevait à 18 millions d’euros, contre 2,8 millions pour la subvention régionale. A l’époque, la mairie avait plaidé pour une meilleure gestion des fonds culturels, en pointant les dérives de l’ancienne direction. La droite locale avait dénoncé une insupportable atteinte au « rayonnement international » de l’établissement, dont 60 % du public vient de l’extérieur de la région lyonnaise. L’exécutif de Laurent Wauquiez ne semble plus sensible à l’argument.
La baisse annoncée de 100 000 euros, au détriment de l’Institut Lumière, ou la suppression de 200 000 euros, sur les 500 000 d’aide annuelle à la Biennale d’art contemporain, participent d’une « vision étriquée de la culture », selon Nathalie Perrin-Gilbert. « En pleine recherche de mécénat, nous n’avons pas pu tout boucler, parce que beaucoup d’entreprises sont en difficulté, et c’est un peu compliqué », regrette Isabelle Bertolotti, directrice artistique de la Biennale d’art contemporain de Lyon, dans l’hebdomadaire Lyon Capitale.
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