PORTRAIT - L’ancien danseur étoile de l’Opéra de Paris avait quitté la direction du Stanislavski de Moscou trois joursaprès l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Il succède au Russe Igor Zelenski qui s’était retiré début mars.
Il est arrivé mardi soir à Munich. Et ne rentrera à Paris que dans deux mois, voir le petit-fils que s’apprête à lui donner sa fille Juliette, danseuse dans le Ballet de l’Opéra de Paris. Laurent Hilaire rayonne. Il vient d’être nommé directeur du Ballet de Munich. «J’ai reçu une autre proposition importante. Mais celle-ci m’a aimanté: à cause de la réputation de la compagnie, de son potentiel et de l’impulsion donnée à l’Opéra de Munich par Serge Dornyqui affiche une vraie volonté d’aller de l’avant», dit-il.
Soulagement général. Le 27 février dernier, Laurent Hilaire, décomposé, rassemblait ses danseurs du ballet du Stanislavski de Moscou pour leur annoncer qu’il rentrait en France. Qu’il désapprouvait l’invasion de la Russie en Ukraine. Et que c’eut été la cautionner que de rester en poste. Français avant d’être directeur de compagnie, il choisissait de rentrer.
Le 28 février, il montait dans l’avion pour un vol sans retour. Sans chômage à l’atterrissage, avec un compte en roubles complètement dévalué, et surtout, le deuil à faire d’une compagnie qu’il avait très soigneusement mis sur une nouvelle orbite. On l’a vu sur les plateaux télé expliquer son choix sans trembler.
Au sommet en Europe
«À cause des circonstances, l’information de mon départ a circulé dans le monde entier. J’ai été approché par le ministère de la Culture de Bavière, j’ai rédigé un projet, puis c’est allé très vite», raconte-t-il. Il cherche un logement à Munich, compte se mettre à l’allemand comme il s’était mis au russe. Munich n’est absolument pas un choix par défaut: «J’étais venu ici en tournée avec le Stanislavski au printemps 2017 pour présenter Mayerling. J’avais vu le théâtre et étais resté très attentif à la compagnie depuis: j’avais remarqué qu’elle avait de très bons éléments. C’est une compagnie dynamique et technique avec des personnalités. En outre, travailler dans un théâtre d’opéra avec une scène et un orchestre, c’est ce à quoi j’ai été formé. Autant à Paris où j’ai dansé comme étoile avant de devenir maître de ballet adjoint à la direction de la danse de Brigitte Lefèvre qu’au Stanis-lavski, qui est lui aussi un opéra.»
Côté lyrique, Munich se classe au sommet en Europe. Serge Dorny ne s’y est pas trompé lorsque, quittant la tête de l’Opéra de Lyon, il a préféré la capitale bavaroise à Paris. Pour ses voix, sa troupe, les metteurs en scène choisis, tous les yeux se tournent vers Munich pour lequel le Land de Bavière dépense sans compter tant l’opéra est dans l’ADN des Allemands. Laurent Hilaire, qui succède à Igor Zelenski (le Russe s’est retiré officiellement début mars pour des raisons familiales), pourrait mettre le ballet sur la même orbite qui conjugue à la fois excellence et cet «étonne-moi» que professait si bien Serge de Diaghilev, le directeur des Ballets russes.
Le Ballet de Munich rassemble soixante à soixante-dix danseurs de vingt nationalités différentes, rompus au classique et au néoclassique: «La saison prochaine était écrite avant mon arrivée. Une bonne soixantaine de spectacles. Neumeier, Roland Petit, Cendrillon de Wheeldon, Romeo et Juliette de John Cranko, La Bayadère de Patrice Bart. La compagnie a aussi à son répertoire des chorégraphes contemporains comme Sharon Eyal ou Marco Goecke , dit-il. Mais je tiens à construire ou imaginer d’autres nouvelles productions.»
Par exemple le Noureev du réalisateur et metteur en scène Kirill Serebrennikov, biopic sur cette légende de la danse, qui a tant fait rêver? Le Bolchoï, qui avait créé la pièce, vient d’annoncer qu’il la retirait du répertoire de la compagnie, mesure de rétorsion contre Serebrennikov qui a quitté la Russie. Laurent Hilaire, une des premières étoiles nommées par Noureev à Paris, pourrait avoir envie de présenter à l’Ouest cette pièce dont on a beaucoup parlé mais que l’on n’y a pas vue. «Je ne sais pas encore. A priori, je n’ai pas envie d’entrer dans ce jeu-là avec la Russie. Mais demander une pièce à Serebrennikov, pourquoi pas?, confie-t-il. La vision que je vais pouvoir apporter sera étroitement liée au style et à la signature de la compagnie. Ce sera un équilibre entre classique et contemporain avec l’ambition de trouver des ouvertures inédites et percutantes, des nouveaux chorégraphes ouverts à des idées et des projets inattendus, qui soient dans l’énergie de la compagnie et puissent la faire avancer, affiner son style. C’est cela l’enjeu de ma présence ici. Mais attention, la scène ne va pas devenir pour autant un lieu expérimental et la compagnie va danser 70 % du temps sur pointes.»...
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