
Coprésidents de France Festivals, Maria Carmella Mini et Pierre-Henri Frappat participent aux rendez-vous organisés depuis six mois au ministère de la Culture sur l'avenir du secteur festivalier. Pour La Gazette, ils dressent un état des lieux et expliquent les évolutions nécessaires à leurs yeux.
Le ministère de la Culture a engagé il y a six mois des discussions avec les organisateurs de festivals en vue d’une « feuille de route partagée », dont une ébauche a été présentée en juillet dernier. Le 1er octobre, une nouvelle rencontre a eu lieu pour évoquer le sujet de l’évaluation de ce secteur.
France Festivals, qui représente une centaine d’événements musicaux et de spectacle vivant, espère faire bouger les lignes sur plusieurs sujets. Ses deux coprésidents font le point pour « La Gazette ».
Quels sont les retours de terrain de la saison festivalière 2025 ?
Maria Carmela Mini : Globalement, la saison a été bonne, avec une forte augmentation de la fréquentation. Cependant, le secteur des musiques actuelles a connu plus de difficultés en termes de progression de la billetterie. Les organisateurs de ces festivals vont en analyser les raisons.
En revanche, sur le plan financier, un certain nombre de festivals terminent à nouveau leur édition 2025 en déficit, même si les pertes semblent moins importantes que l’an passé. Pour diminuer leurs pertes d’argent, beaucoup de festivals ont diminué leurs effectifs, avec de fortes tensions sur les horaires de travail. Certains ont aussi réduit leur programmation, fait des choix artistiques différents pour avoir des plateaux moins importants. Tout cela n’est pas viable dans la durée. A la longue, nous redoutons aussi un désamour des jeunes pour le travail dans les festivals, alors que nous sommes déjà confrontés à des difficultés de recrutement.
Pierre-Henri Frappat : Malgré la fragilisation des modèles économiques de nos festivals et leurs difficultés structurelles, nous avons des motifs de satisfaction et d’espoir. A commencer par la très forte adhésion du public et des bénévoles, qui se retrouvent autour des valeurs des festivals : l’ouverture, la démocratisation culturelle, la citoyenneté. On voit que ces valeurs tiennent une plus grande place que par le passé dans le déroulement des festivals. Nous constatons aussi une plus grande mixité intergénérationnelle.
Comment le secteur festivalier peut-il sortir de la crise ?
MCM : La sortie de crise n’est pas seulement une question financière. C’est aussi une question de politique culturelle. Dans l’état actuel des choses, les organisateurs de festival ne peuvent pas se projeter. Or une programmation s’élabore deux ans à l’avance. Les organisateurs travaillent donc à l’aveugle. Autre difficulté : l’absence de concertation entre l’Etat et les collectivités. Nous appelons de nos vœux des contrats pluriannuels d’objectifs (CPO), alors qu’aujourd’hui, nous sommes de plus en plus soumis à des appels d’offres.
Qu’apporteraient des CPO ?
MCM : Cela permettrait aux festivals de disposer d’un cadre sur leur territoire, avec la prise en compte du fait que ces événements ne se limitent pas à quelques jours dans l’année. En réalité, les festivals réalisent un travail de médiation et de développement des publics tout au long de l’année. Le public ne les découvre pas le premier jour de la programmation ! Ce travail auprès du public est totalement invisibilisé. Des CPO permettraient aussi de flécher des financements sur ces actions-là. Beaucoup de festivals ont du mal à les financer, et cela se fait souvent au détriment d’autres postes de dépenses.
PHF : Actuellement, les financements croisés sont mis à mal. Nous avons besoin d’une concertation Etat-collectivités qui définisse la place des festivals dans les politiques culturelles. Il faudrait que cette concertation conduise à la prise en compte des éléments comme l’impact des festivals sur les territoires et leur contribution à la lutte contre les fractures territoriales. Il manque une instance de concertation opérationnelle entre Etat et collectivités.
Faut-il revoir le fonds « festivals » ?
MCM : Ce fonds est actuellement de 32 millions d’euros. Pour couvrir l’inflation, améliorer les conditions de programmation et de travail dans les festivals, il faudrait le monter à 50 millions d’euros.
PHF : N’oublions pas que l’Etat aide environ 800 des quelque 7000 festivals existants. On est donc loin d’un large soutien, même s’il a progressé ces dernières années grâce à la mise en place du fonds festivals. Ce fonds festivals doit être repensé avec les collectivités pour faire du cousu main. Il faudrait préciser les...
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