
Le Quai d’Orsay et la Rue de Valois ont en partage la politique culturelle extérieure de la France, au risque de voir chacun jouer en solo sa partition.
A chacun son style. En inaugurant, le 18 juillet, les Ateliers de l’Institut français, une journée consacrée à la politique culturelle extérieure de la France, au Parc floral de Paris, le ministre des affaires étrangères et la ministre de la culture se sont montrés offensif pour l’un, pragmatique pour l’autre. Dressant un constat alarmant de l’état du monde, Jean-Noël Barrot a harangué le parterre de diplomates, attachés culturels et présidents d’institutions comme s’il s’adressait à des militaires. « Nous sommes dans la bataille des narratifs », « nous entrons ensemble en résistance », « la culture est une arme de dissuasion », a-t-il martelé, filant la métaphore guerrière.
Plus concrète, Rachida Dati a enjoint aux troupes d’avoir une « lecture plus réaliste de la situation ». Car « il n’y a plus de rente de situation ni de partenariat exclusif ». « Il faut revisiter nos actions et nos façons de faire, reconnaît Eva Nguyen Binh, présidente de l’Institut français. On n’est pas là pour tergiverser. On doit être actif et réactif dans des temps très courts et à la demande de nos autorités politiques. »
Que Rachida Dati et Jean-Noël Barrot, malgré leurs différences de ton, s’expriment à l’unisson, n’est pas anodin. Le Quai d’Orsay, qui dicte les objectifs, et la Rue de Valois sont réputés pour se regarder en chiens de faïence. « Le ministère de la culture connaît bien ses opérateurs [les grands établissements culturels] et ce qu’ils peuvent délivrer, mais il ne maîtrise pas l’agenda diplomatique. Le Quai d’Orsay de son côté affiche une approche “y a qu’à faut qu’on”, sans rien connaître au fonctionnement de ces opérateurs », résume un proche de ces dossiers, comparant la rivalité entre les deux ministères à « la guerre entre la police nationale et la gendarmerie ».
« Jouer collectif »
Au Parc floral, les deux ministres ont mis en scène leur entente, quitte à trop en faire. « Culture et affaires étrangères, ça marche bien, ça marche même très bien », soulignait la locataire de la Rue de Valois, estimant qu’il faut « jouer collectif, car ni le ministère de la culture ni le ministère des affaires étrangères ne peuvent réussir seuls ».
Encore faut-il clarifier le périmètre d’action de leurs acteurs. Car l’offre est pour le moins illisible. Bras armé du Quai d’Orsay, mais ayant aussi la culture pour tutelle, l’Institut français a été désigné comme tête de pont du développement des industries culturelles et créatives en Afrique. Mais sur ce sujet, l’Agence française de développement, qui a rajouté depuis 2015 la culture à son périmètre, joue sa propre partition. Au point de surprendre tout le monde en organisant le 13 juillet un séminaire sur la coopération culturelle en Afrique lors du Festival d’Avignon. L’opérateur a par ailleurs absorbé Expertise France, l’agence de coopération technique qui mène notamment des projets culturels en Ethiopie, au Bénin ou au Cambodge.
Les agences ad hoc, créées pour des projets spécifiques, aspirent aussi à étendre leur zone d’intervention. A commencer par France Muséums (AFM), créée en 2007 pour accoucher du Louvre Abu Dhabi. « Une société bizarre, avec une mission bizarre et un statut bizarre », résume avec humour son directeur, Hervé Barbaret, pour décrire cette société à actions simplifiées, dont les grands musées français sont les actionnaires, mais qui est financée par l’argent émirati. Or la manne d’Abou Dhabi se tarit. L’AFM, qui gère les prêts d’œuvres des musées français, perçoit 5 millions d’euros par an des Emiratis, moitié moins qu’il y a cinq ans. Et le robinet devrait se...
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