
La collectivité présidée par Renaud Muselier presse les structures à éradiquer le point médian. Sous peine de bloquer leurs subventions, comme celle de l’école Kourtrajmé.
« L’écriture inclusive, c’est non ! » Vice-présidente (Union des démocrates et indépendants) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, déléguée à la culture, Sophie Joissains assume totalement la croisade lancée par sa collectivité depuis quelques mois. « Nous avons une charte des valeurs qui ne permet pas que l’on fasse n’importe quoi avec la langue française. Le président [Renaud] Muselier y tient beaucoup », confirme la maire d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône).
L’offensive politique contre l’utilisation de l’écriture inclusive, et plus particulièrement du point médian, son marqueur le plus visible, s’est lancée fin avril, avec la suspension de la subvention à l’école Kourtrajmé Marseille, qui forme les jeunes issus des quartiers populaires aux métiers du cinéma. Malgré une convention signée avec la collectivité en 2022 pour quatre ans, l’association, fondée par le cinéaste Ladj Ly, a vu son financement 2025-2026, soit 70 000 euros au titre de « l’innovation pédagogique », ajournée sur décision du président (Renaissance) Renaud Muselier.
Motif de cette sanction, saluée comme une victoire idéologique par le Rassemblement national, seule opposition de l’hémicycle ? « Depuis quelques mois, le conseil régional nous mettait la pression pour que l’on enlève le point médian de nos documents de communication. Nous n’avons pas donné suite. Cela n’apparaît pas dans notre convention », rembobine Marie Antonelle Joubert, directrice de Kourtrajmé Marseille, dont l’action a été saluée par de nombreux professionnels au Festival de Cannes, en mai. « Si l’association supprime l’écriture inclusive de ses documents, nous reprendrons le contact sans aucun problème », confirme Sophie Joissains.
« Du militantisme »
Parallèlement à cette décision, les élus de la majorité régionale de droite et du centre ont validé, le 23 avril en session plénière, la « trajectoire valeurs », nouvelle colonne vertébrale politique de la collectivité. Dix mesures qui se veulent « un engagement immédiat, concret, au service de ce que nous sommes et ce que nous voulons rester », proclame le texte voté. Au point 9, titré « Langue française », les élus décrètent le « refus de l’écriture inclusive dans l’administration régionale et dans tous les dossiers de subvention ».
Mais, selon les nombreux témoignages recueillis par Le Monde, les exigences de la collectivité dépassent largement les demandes de financement qui lui sont adressées. Rares sont les structures qui en parlent ouvertement par crainte de vivre les mêmes sanctions que Kourtrajmé, mais dans les secteurs de la formation, du social ou de la culture, les pressions des services de la région sont connues.
Dossiers de presse, sites Web, réseaux sociaux, affiches… Les demandes de modification sont régulières. Le Planning familial a ainsi dû reprendre une campagne d’affichage financée par la région. De grands festivals se sont vu intimer de corriger leur communication externe. « On nous explique que cela peut avoir une conséquence sur le niveau de soutien de la collectivité », témoigne un acteur culturel de premier plan, qui réclame l’anonymat. La menace porte d’autant plus que, en 2025, la région, dont la culture n’est pas une compétence obligatoire, a déjà baissé ses subventions aux structures culturelles de 5 % à 10 %, lorsque ses aides dépassent 30 000 euros.
Cette offensive tous azimuts a poussé quatre syndicats du secteur à écrire conjointement au président du conseil régional pour demander des précisions sur le périmètre de l’interdiction de l’écriture inclusive et les textes légaux sur lesquels elle s’appuie. Les représentants du Syndicat national des arts vivants, du Syndicat national des entreprises artistiques et...
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