
Par Gaël Hamayon, maire adjoint chargé de la culture à Porspoder (29) et ancien conseiller communication de Françoise Nyssen, ancienne ministre de la culture
La culture n’est pas qu’un divertissement. Elle n’est pas une respiration légère entre deux réalités pesantes. Elle est, depuis toujours, un miroir tendu à nos sociétés, parfois flatteur, parfois insupportable. Elle explore ce que nous préférerions taire, met en lumière ce que nous voulons cacher, donne des mots et des images à ce que l’on juge dérangeant, voire dangereux.
Et c’est bien là toute sa force. Oui, certaines thématiques choquent. Oui, certaines œuvres dérangent. Mais si la culture ne pouvait plus heurter, à quoi servirait-elle encore ? Elle deviendrait un simple produit de consommation, lisse, calibré, sans autre fonction que de distraire un public à qui l’on ne ferait plus jamais confiance pour réfléchir par lui-même.
Or c’est exactement ce que certains voudraient : réduire la culture à un objet inoffensif, aseptisé, dépolitisé. On voudrait museler les pièces de théâtre jugées trop provocantes, censurer les écrivains qui explorent des zones sensibles, boycotter les artistes qui refusent de se plier au consensus.
Mais soyons clairs : une société qui commence à interdire l’art qui dérange est une société qui recule. Ce n’est pas de protection qu’il s’agit, mais de peur. Peur du débat, peur de l’inconfort, peur de la confrontation. Et derrière cette peur se cache une tentation politique redoutable : contrôler les récits, verrouiller les imaginaires, éliminer tout ce qui échappe à la norme.
L’histoire est pourtant limpide. Les grands auteurs, les grands dramaturges, les grands artistes ont toujours affronté la censure. Molière interdit, Zola poursuivi, Pasolini harcelé, Salman Rushdie menacé de mort. Et hier comme aujourd’hui, ce ne sont pas les artistes qui sont dangereux : ce sont ceux qui veulent les faire taire.
La culture est une porte d’entrée. Une porte d’entrée vers les questions sociales, politiques, intimes. Une porte pour parler de violence, de domination, d’injustice. Refuser cette porte, c’est refuser d’affronter ce qui abîme le monde. Et c’est une faute politique majeure : car en bâillonnant la culture, on bâillonne la...
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