
Trois écoles privées, l’une historique, les deux autres très récentes et créées par des directeurs de salles avignonnaises, viennent de s’installer dans la ville du théâtre. Elles accueillent celles et ceux qui rêvent de monter sur les planches, qu’ils soient étudiants ou en reconversion professionnelle.
L’Ecole internationale de théâtre Jacques-Lecoq, l’Ecole supérieure des arts du rire (ESAR) et, bientôt, l’école du Théâtre du Chêne-Noir : de plus en plus d’apprentis comédiens vivent à l’année à Avignon. Contrainte de quitter ses locaux historiques parisiens (le Central, où elle était installée depuis 1976), l’institution Lecoq a trouvé refuge, depuis octobre 2023, dans une ancienne caserne de pompiers, réaménagée et mise à disposition par la mairie avignonnaise. Créée par l’entrepreneur Frédéric Biessy, directeur général des théâtres La Scala, et soutenue par l’humoriste Jérémy Ferrari, l’ESAR accueille depuis septembre 2024 sa première promotion dans les locaux de La Scala Provence. Quatre-vingt-cinq élèves d’un côté, 50 de l’autre, deux formations très différentes, l’une mythique (Lecoq), fondée en 1956, qui compte parmi ses diplômés des figures de la scène telles que Christoph Marthaler, Julie Deliquet ou Olivier Letellier ; l’autre dans l’air du temps (ESAR), portée par le succès du stand-up. Mais un même sentiment parmi les étudiants : celui de se sentir dans « un cocon », « une bulle » au sein des remparts de la cité des Papes.
En ce printemps ensoleillé, l’ambiance de la ville est très calme, loin de l’effervescence suscitée chaque été par le festival. Bon nombre de ces jeunes resteront en juillet à Avignon, la plupart pour travailler sur des postes de régisseur, à la billetterie ou à l’accueil pour des compagnies programmées dans le « off », quelques-uns pour se frotter à la scène. Ainsi, le Belge Vladimir Venanzi, le Français Aliocha Kasprzak et le Suisse Anthony Crettex, trois vingtenaires, élèves de la première promotion de l’ESAR, présenteront The Threeman Show au Théâtre de l’Observance. « L’idée d’un trio est née de notre rencontre au sein de l’école. Notre objectif n’est pas de proposer trois fois vingt minutes de stand-up, mais d’imaginer une parodie d’émission de télé-réalité dans laquelle des humoristes seraient en concurrence », explique Anthony Crettex. « J’avais besoin de rejoindre un collectif et de travailler sans le formatage des plateaux de comedy club », complète Aliocha Kasprzak. Eux ont pu se payer cette nouvelle formation – 9 200 euros l’année – grâce au soutien de leurs parents.
Karo (Caroline Broulhet-Desbarats) jouera, elle, son one-woman-show No Limit au Théâtre de l’Albatros. L’ex-cheffe d’entreprise de 40 ans, en reconversion professionnelle, a obtenu un financement de l’Assurance formation des activités du spectacle (Afdas) pour suivre la formation de l’ESAR. Cette mère de famille a débuté sur scène en 2022, dans un comedy club de Montpellier, et elle a fait son premier « off » à Avignon en 2024. Depuis, elle enchaîne trois heures de transport aller-retour par jour pour relier la cité des Papes à son domicile montpelliérain. « La volonté, je l’ai, lâche-t-elle. Mais on est tellement nombreux à faire de l’humour, c’est difficile de se faire connaître quand on n’est pas de la génération des réseaux sociaux. Je suis partie de rien, je n’avais jamais fait de théâtre, je me suis inscrite à l’ESAR pour avoir un bagage, une aide, faire évoluer mon spectacle, trouver mon identité. Ici, c’est comme un laboratoire. »
Un « petit monde »
A l’Ecole Jacques-Lecoq – 8 350 euros annuels de frais de scolarité –, où 37 nationalités se côtoient et où se succèdent des cours de grande densité (analyse du mouvement, improvisation, mime, etc.), « nous déconseillons aux élèves de créer pour le “off”. Nous leur recommandons de voir d’abord comment ça fonctionne avant de se lancer », explique la directrice, Anne Astolfe. Pendant le festival, l’école ouvrira ses portes pour une série de master class gratuites, intitulée « Le corps en jeu », et organisera une semaine de stage en partenariat avec Avignon Festival & Compagnies (l’association coordinatrice du « off »), à destination des étudiants étrangers invités de la semaine internationale du festival. « On a passé le stade de la survie, on respire mieux depuis un an, reconnaît Anne Astolfe. Nous n’avons pas encore de contact avec le “in” [le festival officiel], mais nous développons des partenariats avec le tiers-lieu La Scierie et avec la mairie, dans le cadre du Printemps d’Avignon. » En outre, une réflexion est lancée sur la création d’une troisième année pour accompagner les élèves sur une forme longue de création.
Cela n’a pas été simple de basculer élèves, équipe pédagogique et administrative de Lecoq dans la cité des Papes. Certains enseignants continuent de faire des allers-retours entre Paris et Avignon. Mais, pour les étudiants, la vie est plus simple et bien moins onéreuse – notamment pour le logement – que dans la capitale. « Je suis soulagée que l’école soit à Avignon, la vie quotidienne est plus facile, il n’y a pas de problème de transport, on peut aisément se retrouver pour répéter et travailler ensemble, on est dans notre petit monde », constate Anouk, 22 ans, élève en deuxième année, en provenance de Londres. A l’ESAR, les stand-upeurs en herbe apprécient de...
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