
Alors que deux tiers des manifestations de musiques actuelles et de variétés en France ont terminé l’année 2024 en déficit, l’homme d’affaires Matthieu Pigasse et le groupe AEG Presents ont racheté We Love Green.
« On met 3,7 millions d’euros sur la table, et c’est un jeu de roulette. Il n’y a aucun secteur économique dans lequel on prend des risques si fous pour arriver péniblement à l’équilibre financier en ayant vendu tous les billets. » Ce constat glaçant de Carol Meyer, directrice d’Art Rock à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), illustre les tourments de bon nombre de dirigeants de festivals musicaux. La France se caractérise par un nombre pléthorique de festivals de musiques actuelles et de variétés. Emmanuel Ethis, délégué interministériel à l’éducation artistique et culturelle, en a recensé quelque 2 500. Mais bien peu sortent la tête de l’eau.
La dernière étude du Centre national de la musique, publiée jeudi 24 juillet, souligne l’extrême fragilité structurelle de ce secteur : « En 2024, deux festivals sur trois ont terminé l’année avec un déficit. » La raison n’est même pas liée à un manque de spectateurs, puisque « 68 % des festivals dont le taux de remplissage est supérieur à 90 % » ont été dans le rouge en 2024. Selon une autre étude du ministère de la culture, diffusée mardi 29 juillet, les festivals de musique semblent encore plus fragiles financièrement que les autres. Sur 800 festivals, toutes disciplines confondues, « seuls » 46 % ont admis être en déficit en 2024.
D’où viennent ces montagnes de difficultés ? La concurrence inexorable entre des manifestations qui se cannibalisent en proposant les mêmes artistes y contribue. Benoît Loret, qui dirige Art Sonic, à Briouze (Orne), a réussi à faire venir Gazo et Clara Luciani, les 18 et 19 juillet. Comme tant d’autres, il constate amèrement l’explosion des cachets des artistes, suivant le jeu cruel de l’offre et de la demande. « Une programmation coûte 30 % à 40 % plus cher qu’il y a quatre ans », dit-il. Une spirale d’autant plus attendue que l’on compte des dizaines de festivals chaque week-end d’été. Cette concurrence bat son plein dans l’Hexagone, mais aussi dans toute l’Europe, « où les artistes bénéficient de multiples occasions pour jouer », rappelle Matthieu Ducos, directeur de Rock en Seine, dans le giron d’AEG.
Jérôme Tréhorel, le patron des Vieilles Charrues, qui a réuni mi-juillet 264 000 spectateurs, à Carhaix-Plouguer (Finistère), qualifie le triplement du budget artistique en quinze ans d’« hallucinant et indécent ». Il est passé de 1,7 million d’euros à 5,5 millions au cours de cette période. Il assure avoir décliné les offres de certains artistes qui demandaient des cachets trop importants. Et se refuse à surpayer des chanteurs puisqu’il note en parallèle une « baisse du pouvoir d’achat des spectateurs ». Sans surprise, admet-il, « un public qui a moins d’argent et des événements de plus en plus nombreux et de plus en plus chers, ça ne marche pas ».
Très pragmatique, Angelo Gopee, le patron de Live Nation France, filiale du numéro un mondial du secteur du live (organisation de concerts), rappelle une évidence : [...]
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