
Ce style français survolté a essaimé partout dans le monde et rencontre un succès grandissant.
« Alors, tout ce qui commence par un câlin finit par ? », lancent Alicia Plesel et Dylan Aouizerate, maîtres de cérémonies du battle de danse électro Frequency, à l’affiche, dimanche 28 janvier, de la Gaîté-Lyrique, à Paris (3e). Hurlements de la foule en délire, impossible de capter la réponse. Avec des « aïe ! » à droite lorsque la performance d’un danseur explose, et des « aïe aïe aïe aïe aïeeeee ! » à gauche pour faire grimper la pression, ça s’égosille à qui mieux mieux autour du podium de cette compétition internationale. Quarante performeurs sélectionnés sur une centaine défendent leur style et leur pays : l’Ukraine, la Russie, le Maroc, la Colombie et le Mexique y sont notamment représentés.
Cette ambiance chaudement survoltée est typique de Frequency. Depuis sa première édition en 2020 à la Gaîté-Lyrique, la manifestation a gagné ses galons de plaque tournante mondiale de l’électro. Elle émet aujourd’hui ses ondes dans toutes les salles de France et d’ailleurs. Du Théâtre de Chaillot à la Villette, à Paris, de Berlin à Tokyo, l’événement piloté par le pionnier HFLOW (Achraf Bouzefour), interprète et enseignant, DJ et producteur, sera à l’affiche le 7 février de l’Olympia, à Paris, en première partie du concert de Molécule : « On adore les sons de cet artiste, explique HFLOW. Ses BPM [battements par minute] rapides sont parfaits pour nous. L’électro est la musique de la danse qui porte son nom. Et nous avons tous grandi en écoutant Daft Punk, Justice et le label Ed Banger. »
Dans le catalogue des danses urbaines, l’électro, apparue au milieu des années 2000, occupe une place à part. « Elle est française d’abord, parisienne même, assène HFLOW. J’insiste là-dessus, car on doit être fier de notre culture. Elle est énergique et festive, car elle est née dans les boîtes de nuit et nous revendiquons son côté clubbing. » Des clubs qui s’appellent le Métropolis, à Rungis (Val-de-Marne) ou le Mix Club, à Montparnasse, et abritent une communauté de jeunes qui se déchaînent en fringues pétantes tout en jetant les bases de la gestuelle. « On avait un look très excentrique avec plein de couleurs, souligne Alicia Plesel, pionnière féminine du mouvement. De la casquette au pantalon, on était des “fluos kids” comme on disait à l’époque. On s’est calmés depuis. » Sauf HFLOW dont le code couleur vert pomme et orange ne se rate pas.
Mirage optique
Du dancefloor, l’électro, appelé « tecktonik » entre 2006 et 2008 avant que cela ne devienne une marque, essaime dans les rues et se développe auprès des collégiens et lycéens. S’ils n’ont pas l’âge d’aller en boîte, ils échangent des pas dans la cour de récré, apprennent auprès des grands qui leur racontent leurs soirées et regardent les vidéos qui circulent sur Internet. « J’ai commencé avec un pote à l’école », se souvient HFLOW, qui avait 14 ans en 2007.
La même année, Brandon « Miel » Masele, sidérant danseur et chorégraphe, figure de proue et codirecteur, avec Laura Defretin, de la compagnie Mazelfreten, a 13 ans lorsqu’il s’emballe pour l’électro. « C’était dans une boum d’anniversaire, raconte-t-il. C’est là que j’ai appris les bases. Ensuite, je retrouvais des gens qui s’entraînaient au Châtelet, autour de la fontaine, puis dans différentes salles à Paris avant de participer aux battles à la fin des années 2000. » L’observer aujourd’hui en action en dit long sur la spécificité de la danse électro. Elle réside dans un féroce et époustouflant travail des bras. Graphiques, ondulants, carrés, triangulaires et au-delà, ils déploient des chorégraphies si affolantes et surtout si rapides qu’elles flirtent avec le mirage optique. A la limite de la contorsion parfois ou du flexing hip-hop qui cassent les os, ils génèrent des frises gestuelles frénétiques avec la fluidité paradoxale d’un ruban.
Selon Brandon Masele...
Lire la suite sur lemonde.fr