
Malgré la pandémie, les apprentis acteurs suivent des cours. Reportage au cœur des répétitions, à paris.
On dirait une rentrée scolaire. Une trentaine d’élèves masqués patientent devant le théâtre Trévise dans le 9e arrondissement de Paris. Il est 10 heures, certains ont encore les cheveux mouillés, d’autres fument ou sirotent un café. Quand Arnaud Denis, leur professeur, arrive, ils le suivent sagement dans la salle de 260 places. Une ampoule pend sur le bras cassé d’un pantin désarticulé, un drap noir recouvre un piano. Pas de quoi décourager les comédiens assis dans le strict respect des règles sanitaires. Les mains arrosées de gel hydroalcoolique.
Arnaud Denis s’installe au fond. Garde son écharpe autour du cou. Félicite ses ouailles qui ont joué la veille le spectacle du prix Jacques Copeau (1879-1949). Cette récompense est normalement remise en juin. «Vous avez su dominer votre trac, vous êtes en gestation, vous êtes mes petites tomates bio», s’amuse Arnaud Denis, lui-même formé par des maîtres, Jean Périmony et Jean-Laurent Cochet. «J’assiste à la naissance d’une génération qui pratique “l’effacement éclatant”, comme dit Colette», leur dit le professeur.
Un métier de compassion
Avant de lire des extraits du Manuel du guerrier de la lumière, de Paulo Coelho. Une «Bible pour les acteurs», assure-t-il. «Avez-vous le temps de tripoter des scènes?», demande-t-il ensuite. Justine retire son masque et se lance pour interpréter le rôle d’Ophélie avec Gabriel-Hamlet: «Mon bon seigneur, comment s’est porté votre honneur tous ces jours passés? - Je vous remercie humblement…» «Attention, vous tombez dans le triste, Shakespeare est un théâtre de folie», les coupe Arnaud Denis, une main sur la hanche, l’autre sur le front. «Justine, imagine qu’Ophélie a avalé une boîte de Lexomil.» Dans la salle, des élèves miment les gestes, répètent les répliques. «Bien!», félicite le pédagogue.
«C’est le meilleur cours que j’ai jamais eu», confie Gabriel, 34 ans, «monté» de Valognes (Normandie) à la capitale pour devenir comédien. «Jouer, pour moi, c’est aussi fort que l’amour», déclare-t-il. Pour survivre, ce fils d’enseignants a été surveillant dans une école et fait du doublage de voix. «Avec la crise sanitaire, j’ai peur que mes droits d’intermittent du spectacle ne soient pas renouvelés», s’inquiète-t-il. Hannah, elle, a quitté son travail dans une société de postproduction à Londres pour exaucer son vœu. Un BTS audiovisuel en poche, à 27 ans, elle a toujours la foi.
Sourire timide, bras tendus sur le plateau, voix ferme, elle dit...
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