Voilà une initiative qui pourrait mettre du baume au cœur des professionnels de la culture, de Guéret à Saint-Jean-de-Luz. Comme ailleurs. La région Nouvelle-Aquitaine souhaite lancer dès que possible une expérimentation de protocoles sanitaire et scientifique en vue de rouvrir des scènes culturelles et festivals. Elle n'attend que le feu vert du ministère de la Culture.
La proposition a été envoyée au Premier ministre et à la ministre de la Culture : devenir une région test pour relancer l’ouverture de cinémas, de musées, de théâtres, de salles de spectacles, de festivals. À Barcelone, le festival Primavera Sound avait organisé en décembre un concert test pour évaluer le risque de contamination. Marseille est prête à se lancer dans la même démarche.
Une expérimentation pour l'instant unique au monde basée sur la modélisation affinée des risques de contamination
La Nouvelle-Aquitaine, elle, veut aller plus loin encore en formant un groupe de travail, accompagné par un conseil scientifique et l’appui opérationnel de l’Institut technologique européen des métiers de la musique (Itemm). Objectif : évaluer, dans des lieux test, le risque de contamination pour le réduire au maximum avec un protocole spécifique et permettre, in fine, leur réouverture.
Depuis septembre 2020, l’Itemm a en effet développé un programme de recherche, baptisé Opéra (Outil probabiliste pour l’évaluation du risque par aérosols), qui permet d’évaluer la probabilité de transmission du Covid-19 par aérosol respiratoire (*). Cette modélisation est assortie de trente paramètres qui vont de la circulation du virus, port du masque, configuration des lieux, à sa jauge, à la circulation du public, au type de ventilation ou encore à la nature et la durée des spectacles, si le public est debout ou assis…
Opéra peut ainsi cibler précisément où le bât blesse et orienter les gestionnaires de salle et artistes vers ce qui doit être revu, adapté en vue d’une exposition au risque le plus faible possible.
Ce que permettrait ce protocole expérimental :
- - D’intégrer le projet Opéra avec d’autres propositions telles que la modélisation des flux de personnes, traceurs de dépôts de virus sur points contacts (poignées, interrupteurs...), logistique associée aux configurations (files d’attentes, sièges...), protocoles de désinfection de salles.
- - De proposer un regard spécifique sur les espaces de circulation.
- - De déterminer des configurations types : nombre de personnes par type de lieux et durées préconisées, espaces et modalités des flux entrants et sortants, présentant par comparaison avec l’actuel, moins de risques.
Par deux types d'approches :
- - Un premier niveau d’évaluation et de comparaison pour un lot important de salles (au moins 300), par le simulateur.
- - Un second niveau qualitatif, permettant sur un nombre plus réduit de salles (une douzaine réparties dans les douze département de la Région) d’affiner et d’optimiser sur les lieux des villes concernées, les différentes configurations possibles en durée, jauge du public, impacts sur le spectacle, l’accueil, les scénarios de circulation, le tout défini avec d’autres contributeurs du groupe de travail.
L’intérêt mais aussi toute la complexité de l’expérimentation seront de tester cet outil dans des lieux dont les variables de configuration, de formes esthétiques et de situation sont radicalement différentes.
Aux professionnels du monde de la culture également, de proposer des choses en fonction de leurs problématiques propres. Pour l'instant, 300 candidatures ont été reçues par la Région, ce qui illustre l'immense attente du monde culturel envers cette expérimentation.
Jouer sur les curseurs de chaque salle et évènement et réduire au maximum les risques pour rouvrir
Un simulateur de calculs de risque et de renforcement des protocoles sanitaires sera également disponible pour les gestionnaires de salles et décideurs publics. Il permettra de faire varier les paramètres clés afin de diminuer le risque de contamination pour répondre aux attentes des pouvoirs publics sanitaires qui décideront de la réouverture de ces lieux et la tenue d'évènements.
Et si réouverture il y a, il faudra également que le modèle économique qui découle des préconisations soit viable. « Dans l’esprit des gens, soit on ouvre, soit on ferme et entre les deux, il n’y a pas d’autres solutions, mais si, insiste le professeur Vincent. Automatiquement, la jauge sera limitée et on sait que toute la santé et l’économie d’une pièce de théâtre par exemple, sont assujetties à la billetterie. Il faudra peut-être que la Région ou l’État complètent la moins-value que pourraient faire ces artistes. »
Pour ce professeur en médecine, une vie culturelle aux habitudes d’avant la pandémie est illusoire. Mais mieux vaut qu’elle soit « adaptée », que disparue.
« Pour moi, la culture fait partie des éléments essentiels à la vie au même titre qu’un marché alimentaire, c’est indispensable », martèle Éric Correia, conseiller régional délégué à la culture et membre du groupe de travail. Car bien plus que la simple donne économique, c’est toute son épaisseur humaine qu’il faut s’efforcer de remettre debout.
« Quand on parle d’accès à la culture, on parle aussi d’émancipation, de citoyenneté, d’enrichissement personnel, de développement de soi dans un monde où les gens sont dans un état de dépression terrible »
« Actuellement, on avance dans un brouillard épidémiologique, économique, sanitaire et surtout culturel et il faut qu’on expérimente dans ces domaines où l’on a vraiment besoin de se retrouver et la culture en est un. » Un enjeu « absolument fondamental », souligne-t-il, pour lequel « il faut déterminer le risque encouru et le bénéfice d'une réouverture ».
Il ne doute pas que cette expérimentation inédite permettra de « développer un outil qui nous aidera vraiment à décider ou non de la reprise de l’activité de l’ensemble de la scène culturelle et des spectacles vivants. » Et pourquoi pas, évoquent les deux élus régionaux, de la réouverture des campus et des amphithéâtres dans les mêmes conditions. Car là aussi, l’enjeu social est grand.
Constituer dans le même temps une banque de données épidémiologiques qui fait défaut
Grâce à cette expérimentation, « on veut aussi constituer une banque de données scientifiques, en lien avec l’ARS, parce qu’aujourd’hui, on manque de données de masse pour cette maladie, ajoute Éric Correia. On ne sait pas comment le virus se diffuse, comment il progresse et on pourrait participer ainsi, dans le même temps, à une étude scientifique de masse. » Il serait question d’un début d’expérience en mai ou juin, dans un possible creux de la vague épidémique et bien sûr, sous réserve que le ministère l’autorise.
Reste au ministère...
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