Surproduction, concurrence acharnée et, désormais, risques sanitaires... La pléthorique programmation alternative du «in», qui repose en temps normal sur un précaire modèle économique, s’annonce particulièrement rude cet été pour les compagnies théâtrales.
Pablo Chevalier se prépare psychologiquement à partir à Avignon : «J’ai peur… même si j’adore cette adrénaline. Ça fait plus d’un an qu’on n’a pas joué devant un public, ça va être un baptême du feu.» L’utilisation du jargon militaire pourrait paraître excessive. Elle l’est moins quand on sait que ce comédien de 30 ans, qui pendant l’année scolaire est aussi surveillant à mi-temps, va devoir enchaîner trois spectacles par jour du 7 au 31 juillet. Sarraute le matin, Ionesco l’après-midi et Camus le soir. Rien que ça. Et il est loin d’être le seul à jouer à ce rythme industriel. «On dit qu’Avignon est un cimetière de compagnies et ce n’est pas totalement faux, regrette Thomas Le Douarec, metteur en scène qui joue au festival off depuis trente ans. Certains déboursent des sommes colossales, font des prêts et finissent endettés. Mais c’est aussi le seul endroit en France où on peut se faire un nom en partant de rien.»
Pour une compagnie émergente ou confirmée, se produire au «off» d’Avignon est toujours une gageure. Cette année, c’est presque kamikaze. En raison de la crise sanitaire, les compagnies jouent encore plus gros. Si un comédien est malade ou cas contact, «nous perdons plus ou moins 1 000 euros par jour selon la fréquentation du spectacle, confie un metteur en scène. On ne pourrait pas se relever d’une telle perte sauf à la renflouer de nos poches». Alors certes, les établissements semblent recourir davantage qu’en 2019 à des contrats de coréalisation, partageant avec les artistes le risque de faire salle vide (la compagnie ne paie pas de location mais divise les recettes de la billetterie), mais les bouées de sauvetage mises en place dans le off après une année de mise à l’arrêt, sont plus qu’éparses. Malgré ça les chiffres de l’édition 2021 de cette énorme foire du théâtre, concentrant tous les problèmes de surproduction du secteur, restent délirants : 1 070 spectacles (500 de moins qu’en 2019) dans une centaine de lieux de la ville. 1 070 spectacles, dont...
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