La filière du spectacle résiste tant bien quel mal à la crise mais que se passera-t-il lorsque les mesures de soutien seront stoppées, se demande Nicolas Marc, éditeur du magazine La Scène
L'éditorial – La Scène n°99 – Hiver 2020
Sur le fil
Un confinement, suivi d’un couvre-feu, puis d’un reconfinement. Un « stop and go » fort coûteux en indemnisations, remboursements et en reports. Sur le front du spectacle vivant, les jours se suivent et se ressemblent. L’activité ne redémarre pas. Toutes les composantes de la filière restent en « alerte rouge ». Mais une lueur fragile au bout du tunnel commence doucement à poindre avec l’annonce de la réouverture des théâtres et des salles. L’horizon s’éclaircit peut-être enfin même si les incertitudes demeurent.
L’annonce d’Emmanuel Macron de rouvrir les lieux culturels a été perçue comme une délivrance relative. Le calendrier n’est pas favorable. À la mi-décembre, les saisons sont le plus souvent en pause et reprogrammer des spectacles ou des concerts après des annulations ou des reports relève du casse-tête et de l’aléa économique. De plus, les protocoles sanitaires stricts, le couvre-feu et l’interdiction des grands rassemblements obèrent encore la reprise de l’activité. Et rien ne dit que le public sera réellement au rendez-vous en janvier, période généralement creuse de l’année.
Les profondes inquiétudes n’ont pas anéanti la combativité du monde du spectacle. Côté secteur public, on s’emploie, autant que possible, à sauver les missions de service public et à jouer la carte de la solidarité de la chaîne artistique, du créateur jusqu’à la scène, en passant par l’action culturelle. Côté privé, on limite la casse. En témoigne, par exemple, l’afflux de dossiers arrivés au Centre national de la musique. Pour combien de temps ? Le premier trimestre sera crucial pour beaucoup de producteurs, tourneurs, salles et théâtres privés qui jouent leur survie. Les acteurs privés, étouffés par les charges fixes, souffrent bien plus que le secteur public.
Pour l’instant, le système tient. Depuis huit mois que dure la crise liée au Covid-19, la France culturelle résiste grâce à son modèle, charpenté par l’argent public, et au gouvernement, collectivités et organismes professionnels qui multiplient les aides d’urgence. Force est de reconnaître, même si les appuis sont souvent en deçà des besoins, qu’aucun autre pays, hormis l’Allemagne, ne protège autant la culture dans la tempête. Tout doit être fait pour sauvegarder notre modèle.
Restent de multiples inconnues. Les festivals planchent sur leur programmation 2021, avec un recentrage sur les artistes français pour éviter les incertitudes quant à la circulation des artistes étrangers, mais leur sort se jouera en ce début d’année. Pour les intermittents, qu’ils soient artistes ou techniciens, 2020 restera une année sinistrée, malgré l’année blanche décidée, avec des perspectives sombres pour 2021 en termes de volume d’emplois. De nombreux métiers essentiels aux activités culturelles sont dans l’angle mort des aides. Il ne faut pas les oublier. Autre préoccupation, ce qui se passera au fur et à mesure que les mesures de soutien (activité partielle, prêts garantis par l’État, aides du CNM…) seront stoppées.
La reprise sera très progressive. Le spectacle vivant est plus que jamais sur le fil.
Nicolas Marc, directeur de la publication
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