L’application de la loi du ministre du Logement signe la mort de fragiles asiles artistiques. Cofondateur du squat 59 Rivoli, à Paris, Gaspard Delanoë revient sur ce mouvement condamné alors qu’il reste nombre de mètres carrés vacants qui dorment tranquillement protégés par la loi.
A 43 ans, c’est un peu jeune pour être fauché. C’est pourtant ce qu’aura duré le mouvement des squats d’artistes, quarante-trois ans, pas un de plus. Car ce mouvement, né rue d’Arcueil en 1980 avec le mythique squat Art-Cloche («clochard» en verlan), et mort en 2023 lors de l’entrée en vigueur de la loi dite Kasbarian (du nom de son sinistre auteur, l’actuel ministre du Logement Guillaume Kasbarian), loi ultra-répressive qui sanctionne désormais de 45 000 euros d’amende et de trois ans de prison le fait de squatter un local, est virtuellement défunt.
En effet, comme on pouvait s’y attendre, les menaces de sanctions considérablement alourdies par la loi Kasbarian ont découragé les artistes d’ouvrir de nouveaux squats. Ces artistes qui depuis des décennies tentaient, dans des conditions souvent difficiles, de construire de fragiles asiles artistiques, souvent dans des friches (les Frigos dans le XIIIe arrondissement de Paris), parfois dans des bureaux (la Grange-aux-Belles dans les années 90) ou des hôpitaux abandonnés (l’Hôpital éphémère), parfois aussi dans des immeubles laissés vacants après des scandales d’Etat retentissants (59 Rivoli suivant la faillite du Crédit lyonnais) ou dans des bâtiments se retrouvant vides en attendant une requalification prenant parfois des années (squat de la Bourse, ancien siège du Club Med, squat Socapi en face du musée Picasso), mais aussi dans des lieux prestigieux : squat de la célèbre école de la rue Blanche (Zen Copyright) ou ancienne miroiterie (Théâtre de verre, la Miroiterie rue de Ménilmontant), ainsi que gares de la petite ceinture en déshérence (Gare XP, Gare aux gorilles) – ces artistes se disent aujourd’hui découragés.
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