Lectures en extérieur, one-man-show, fêtes, présentations… Dans la cité des Papes, où la 74e édition du Festival a été annulée le 15 avril, des directeurs de compagnie ont improvisé une programmation bis. Pour redonner voix au théâtre et sauver la saison.
Les vitrines sont poussiéreuses et les affiches des théâtres d’Avignon invitent à des représentations pour le mois de… mars dernier. Les terrasses de la place Pie sont bondées de lycéens mais les comédiens et techniciens du Festival « off », qui les envahissent traditionnellement à cette période de l’année, n’y sont pas. Juin 2020 ne ressemble en rien à un mois de juin à Avignon. Même les directeurs artistiques ont « tout le temps qu’il faut » pour discuter avec les journalistes quand habituellement ils n’auraient « même pas deux minutes » à leur consacrer, happés par le montage des spectacles.
« Bouh ! Ça sent le renfermé ici », soupire Laetitia Mazzoleni en ouvrant la porte du Théâtre Transversal, qu’elle dirige. Ses deux petites salles d’une quarantaine de places chacune, à deux pas des Halles, devaient accueillir seize spectacles par jour du 3 au 26 juillet. Elle a remboursé quelques-unes des huit compagnies qui avaient réservé des créneaux, mais la majorité a fait le choix de reporter à l’année prochaine. « Un “off” sans le “in”, ça aurait été compliqué et je ne souhaitais pas un Festival qui se raccroche aux branches, sans l’ambiance, et surtout, pour les compagnies qui investissent énormément l’été à Avignon, sans la certitude d’être vues par les professionnels. » Un spectacle sur quatre joués en France serait choisi à Avignon.
Un "murmure théâtral"
Le « off » et ses 1 500 spectacles programmés ont été annulés le 15 avril, quelques jours après l’annonce que la 74e édition du « in » n’aura pas lieu. Pas question pourtant d’éteindre le phare que représente Avignon pour le théâtre. C’est en se retrouvant seul dans la Cour d’honneur du Palais des papes, sans les gradins, « telle que Jean Vilar et René Char l’avaient découverte en 1947 », que Serge Barbuscia, le directeur du Théâtre du Balcon, a eu l’idée du « Souffle d’Avignon ». Un joli titre pour se remettre d’une maladie respiratoire. Ses complices de quatre autres théâtres, qui forment le collectif Les Scènes d’Avignon, ont rallié le projet : une semaine de lectures, en extérieur, dans le cloître du Palais des papes, du 16 au 23 juillet. Pas un mini-Festival, pas un ersatz de Festival, juste « un murmure théâtral » pour entretenir « le feu sacré d’Avignon », comme le dit le codirecteur du Théâtre du Chêne Noir, Julien Gelas, où son dernier texte, Le Rêve de Spinoza, sera lu.
Pour autant, personne ne sait à quoi va ressembler Avignon cet été. Des compagnies viendront travailler les spectacles de leur prochaine tournée et, ici et là, devraient s’improviser des sorties de résidence. À l’Artéphile, les directeurs Anne Cabarbaye et Alexandre Mange sont en quête d’un lieu en extérieur, un parc, pour présenter, Buffalo, de Frank H. Mayer (1850-1954) mis en scène par Julien Defaye et Nicolas Gautreau. Sinon, le spectacle sera joué dans la salle de 94 places, avec la distanciation s’il le faut. D’autres,
avec des compagnies prêtes à se déplacer, ont même cuisiné une petite programmation, sans rapport avec celle initialement prévue et qui fait normalement le chiffre d’affaires annuel des lieux du « off ».
"Ne pas abandonner le terrain"
Au Pixel Avignon, « il y va de notre survie de rouvrir », déclare Anaïs Gabay qui, avec Jérôme Tomray, dirige ce théâtre permanent très ouvert aux amateurs. Jérôme Tomray peste contre une décision d’annulation prise trop tôt : « On a la chance d’avoir des remparts, est-ce qu’on n’aurait pas pu prendre la température de tous ceux qui rentrent ? », lance-t-il. Du 24 juin au 14 juillet, le Pixel proposera une...
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