
ENTRETIEN - Musique, patrimoine, Notre-Dame, financement du cinéma d’animation… La ministre de la Culture entend défendre son secteur à l’heure où l’État doit faire 40 milliards d’économies.
À quatre jours d’une semaine consacrée à la musique, la ministre de la Culture détaille pour Le Figaro l’ambition portée par cet événement international qui vise à conforter la place de la France comme leader d’une industrie forte à l’export. Sur fond de tensions budgétaires, elle affirme vouloir « se battre » pour le patrimoine, la culture en milieu rural et la liberté de création. Face aux difficultés actuelles du cinéma d’animation, elle annonce un nouveau mode de financement pour soutenir le secteur. Réagissant aux accusations de conflit d’intérêts alors qu’elle était députée européenne et avocate pour GDF Suez, elle se défend : « Je refuse de me victimiser, tout ce que j’ai provient du fruit de mon travail. »
LE FIGARO. - Le 16 juin, démarre la France Music Week. Pour quoi faire ?
Rachida DATI. - La France est reconnue dans le monde comme le pays ayant le plus de festivals de musique. Depuis 2017, le président de la République mène une politique active de rayonnement et d’exportation de la création musicale et des artistes français qui a mené notamment à la création du Centre national de la musique en 2019. Les performances d’exportation de la musique française ont connu une hausse de 30 % depuis 2022. Le rap français est le genre musical qui s’exporte le plus dans le monde entier. La France doit demeurer le centre de cette industrie internationale musicale.
À l’instar de Choose France, qui nous a permis de devenir le premier pays européen en matière d’investissements étrangers, avec la France Music Week, la France peut devenir le premier pays producteur de musique. Pendant une semaine, à partir du 16 juin, les représentants internationaux de la filière musicale seront à Paris. Toute la semaine, le sommet international de la création musicale permettra d’évoquer tous les enjeux de la filière musicale tels que le développement de l’IA, la montée en puissance du streaming, les nouveaux modèles économiques centrés sur l’artiste…
Des temps forts seront organisés notamment à la Maison de la radio, avec deux journées d’échanges et de showcase entre l’industrie musicale mondiale et la filière musicale française. Cette semaine se clôturera avec un grand concert dans le jardin des Tuileries, devant 40.000 spectateurs. Je veux que ce grand concert soit un moment festif et populaire. Pendant la France Music Week, ce seront aussi des événements grand public avec toutes les musiques du monde du 16 au 21 juin sur tout le territoire, y compris les chants traditionnels en Haute-Corse. Des artistes francophones se produiront également à la Cité de la francophonie de Villers-Cotterêts.
On vous a vu dans des concerts, dont celui des rappeurs Jul, Gims ou DJ Snake. Le rap fait-il avancer la francophonie ?
Dans son style, oui, le rap fait avancer la langue française : Damso, MC Solaar, Ministère A.M.E.R., IAM, Passi, Soprano, MNLK… À cet égard, le rap français est le genre musical qui s’exporte le plus dans le monde entier. J’aime énormément la variété française, et le rap aussi
Des artistes francophones comme Gims, Stromae et Era sont des champions à l’export . En quoi doivent-ils quelque chose à l’État ?
La France possède un écosystème très favorable aux artistes, à commencer par un régime pour l’intermittence. Quand un artiste émerge, notre modèle économique permet de le soutenir. Le Centre national de la musique les aide dans leur développement à l’international, quelle que soit l’esthétique musicale (musiques actuelles, jazz, classique…). Ces aides financières sont complétées par une offre de conseil et d’accompagnement ainsi qu’une veille sur les marchés étrangers.
Une autre filière d’excellence française, celle de l’animation, se réunit aujourd’hui à Annecy. Allez-vous créer une « Animation Week » ?
La France est leader mondial dans l’animation. L’animation n’a jamais été structurée, organisée ou reconnue comme un secteur à part entière alors même que notre créativité et notre savoir-faire s’exportent partout à l’échelle internationale. Dernier exemple, l’Oscar du meilleur film d’animation décerné à Flow. Nous ne pouvons pas ignorer la gravité de la crise qui frappe ce secteur, tant au niveau mondial qu’en France. Je souhaite que ce secteur soit protégé. J’ai donc demandé une modification du décret relatif aux obligations de financement imposées aux diffuseurs en renforçant la clause diversité en faveur de l’animation. Cet aménagement du décret SMAD, ciblé très précisément et exclusivement sur ces points, sera notifié à la Commission européenne dans les trois prochaines semaines.
Logiquement, le cinéma et les séries vont en pâtir…
Non. Je sais que cette mesure est une attente forte du secteur qui répond à une urgente nécessité. C’est pour cela qu’il est essentiel d’être au rendez-vous du Festival d’Annecy, qui est un événement structurant pour toute la filière. Il ne faut pas opposer animation, séries et cinéma. Quand l’un va bien, c’est l’ensemble de la filière qui est pourvoyeuse d’emplois et de croissance.
"La culture est un socle important pour éviter que la société ne se fracture, elle permet la cohésion de la nation, et rapporte au pays"
Rachida Dati
Les conférences budgétaires vont démarrer, et le moins que l’on puisse dire est que le contexte est tendu, puisque le premier ministre réclame 40 milliards d’économies. Comment la Culture va-t-elle se positionner ?
Tous les ministères vont devoir prendre leur juste part dans les économies annoncées, y compris la Culture. Mais je discuterai pied à pied. La culture est un socle important dans une société en crise et dont la cohésion est mise à mal. Compte tenu du nombre d’opérateurs, de salles de spectacles et de musées, la Culture a toujours des investissements importants à faire. Rien que pour remettre en état et aux normes l’Opéra de Paris, il faudrait par exemple près de 500 millions d’euros sur plusieurs années.
L’établissement n’est pas le seul dans ce cas de figure. En 2026, j’aurai trois priorités : la préservation du patrimoine historique, la réduction des inégalités, notamment avec le plan culture et ruralité, qui se déploie, ainsi que le...
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