
Le 6e Forum des orchestres, à Rennes, a poussé les professionnels à se mettre autour de la table pour échanger autour des enjeux du secteur. Ils peinent encore à la formulation de préconisations concrètes.
Se mettre autour de la table et affronter les grandes questions qui traversent le monde de l’orchestre : ce souhait évoqué les années précédentes a été réalisé lors de la 6e édition du Forum des orchestres, qui avait lieu à Rennes les 15 et 16 octobre. Le premier jour, réservé aux membres de l’Association française des orchestres (AFO), était organisé selon un format inédit pour ces rencontres : les participantes et participants étaient divisés en groupe de travail, d’une dizaine de personnes en moyenne, et devaient plancher sur une question. Premier constat : la grande réussite de ces temps d’échange était la transversalité des métiers impliqués. Musiciens, musiciennes, directeurs et directrices d’orchestres, responsables administratifs et représentants de conservatoires, compositeur et compositrices, bibliothécaires, etc. Pendant six heures, ces séances, « prolongées et exigeantes, ont permis aux participants de prendre du recul, de s’extraire du rythme contraint du quotidien et de retrouver une capacité de distanciation critique », s’est réjoui Philippe Fanjas, directeur de l’AFO et organisateur de l’événement. Pour lui, ce « privilège du temps long » est une condition de la fabrique du collectif, mais aussi l’occasion de « rendre visibles la réalité du métier, la valeur artistique, sociale et éducative des orchestres et de nous faire entendre de nos interlocuteurs, les pouvoirs publics mais aussi notre public ».
La présidente de l’AFO, Catherine Morin-Desailly (par ailleurs sénatrice de la Seine-Maritime), affirmait lors de l’ouverture de la seconde journée, ouverte au public, que « l’instabilité politique fait qu’il est très compliqué de se projeter dans l’avenir », mais invitait le monde orchestral à « faire preuve de courage. Nous voulons pouvoir jouer notre partition, faire des propositions ». La veille, les ateliers avaient pour thèmes les sujets de fond qui traversent depuis des décennies le secteur : emploi, projet artistique, égalité, place du public.
La rigidité du système
Les tensions liées aux métiers de l’orchestre ont traversé les débats de plusieurs ateliers. Sur la question de la mobilité des musiciens et musiciennes d’orchestres, des participants ont suggéré : « Il serait bon d’imaginer des parcours internes permettant d’accéder à des statuts supérieurs ou de diversifier les missions sans passer par les concours traditionnels. » Même demande du côté de celles et ceux qui planchaient sur « les atouts de la permanence artistique ». Ils dénonçaient « la rigidité d’un système pour les musiciens permanents qui souhaitent intégrer d’autres orchestres », préconisant des recrutements flexibles, avec « des concours adaptés pour les musiciens déjà en poste et la possibilité de postes partagés à mi-temps ».
À côté de ces questions complexes, des sujets en apparence plus simples semblent revenir en boucle. De l’atelier « Agir sur l’égalité entre les femmes et les hommes » ont ainsi pu ressortir des préconisations qui avaient un air de déjà-vu comme « intégrer des objectifs de programmation d’œuvres de compositrices dans les projets symphoniques et de musique de chambre ». On s’étonne de retrouver encore le besoin suivant, « dialoguer avec les institutions d’enseignement pour mieux comprendre et combattre les mécanismes d’éviction des femmes », quand des centaines d’études ont déjà traité du sujet. Pire encore, entendre qu’il faut « mettre à disposition des bases de données sur les compositrices »… alors que de tels outils existent déjà.
Vieux débat et nouvelles technologies
La question des missions de service public a aussi traversé les différents groupes. L’un d’eux s’est attelé à prolonger le document stratégique « Orchestres 2030 » publié par l’AFO en 2023 via la rédaction d’une note sur les actions de médiation des orchestres. Là encore, les lignes de tension habituelles se dessinent : d’un côté, on souhaite « proposer un large choix de missions intégrées : musique de chambre, interventions pédagogiques, accompagnement artistique dans les conservatoires », et de l’autre, « garantir des conditions d’exercice adaptées pour ne pas transformer le musicien en animateur ». Les participantes et participants ont souligné la nécessité de repenser la coconstruction du projet de l’orchestre avec tous les salariés.
D’autres groupes ont également abordé la question de la collaboration entre orchestres et conservatoires ou exploré l’idée d’une coopérative de mise à disposition des partitions du répertoire dans le domaine public (qui devrait voir le jour en 2026 grâce à ces échanges). La question de l’intelligence artificielle est l’un des grands débats actuels, à l’origine de beaucoup de craintes et...
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