Vendredi, la ministre de la Culture a annoncé souhaiter le rapprochement du Théâtre national populaire des studios de production audiovisuelle Pôle pixel, non sans créer d’inquiétudes. Le même jour Thomas Jolly était aussi dans la ville… coïncidence ?

Rapprochement. » Le mot n’a fait qu’un tour avant d’échauffer les esprits, jeudi 16 octobre, lorsque la ministre de la Culture, Rachida Dati, a fait part de sa venue le lendemain à Villeurbanne pour annoncer un « rapprochement » entre le Théâtre national populaire (TNP) et le Pôle Pixel, association regroupant 32 000 mètres carrés de studios de cinéma et bureaux de production audiovisuelle et numérique. Le personnel du centre dramatique national y a vu un synonyme de « fusion », et donc la porte ouverte à une disparition du TNP. Le ministère a alors tout de suite reculé, évoquant dans un deuxième communiqué « une collaboration », ce qui n’a pas empêché Rachida Dati d’être accueillie par un concert de casseroles.

Mais pourquoi s’offusquer d’un tel projet à l’heure où les théâtres, et le TNP en particulier, souffrent de finances dégradées et d’une maigre enveloppe pour la création de nouveaux spectacles ? « Nous ne sommes pas opposés à des créations mêlant spectacle vivant et numérique, c’est même quelque chose de positif. Le TNP le fait déjà. Mais cette annonce précipitée, conjuguée au lexique employé et à la succession de Jean Bellorini à la tête du théâtre, pose grandement question », confie Valérie Perriot-Morlac, déléguée du personnel. Au-delà des mots choisis, le calendrier interroge, en effet.

Comme annoncé il y a quelques mois, le départ de Jean Bellorini en décembre 2026 ouvre la voie à une nouvelle ère. Et donc à d’éventuelles économies demandées à l’institution qui ne compte pas moins de 86 salariés permanents et 220 intermittents. Outre l’inquiétude que cette situation suscite, comment penser un projet sans personne prévu, à ce jour, pour le mettre en œuvre ?

Faire parler les morts

Mercredi 8 octobre, lorsqu’ont été dévoilées les conclusions d’une étude commandée avant l’été par la Mairie, en lien avec la Direction régionale des affaires culturelles (Drac), au cabinet de conseil culturel Pogo-développement, basé à Lyon, sur les contours d’une possible collaboration entre les deux institutions, rien ne semblait tranché. Moins d’une semaine plus tard, Rachida Dati annonçait sa venue, depuis longtemps prévue sans qu’une date ait été fixée.

Passage en force de la ministre ? Ni le maire ni la direction du TNP et celle du Pôle Pixel n’étaient, d’après leurs dires respectifs, au courant de cette annonce concrétisant un projet resté jusque-là hypothétique. La publication de l’agenda de la ministre aurait alerté chacun. Jusqu’aux équipes internes du TNP, vent debout. Le lendemain matin, avant la visite de Rachida Dati, le maire (Parti socialiste), Cédric Van Styvendael, est parti au front pour faire retomber la tension, lui qui ne dirige pourtant pas les personnels du TNP… Raté. « Il nous a parlé comme à des enfants », confie une des participantes. L’inquiétude est toujours aussi grande quatre jours après la venue de la ministre.

L’idée de ce projet serait née après un hommage rendu, le 29 janvier 2025, à Roger Planchon (1931-2009), qui aurait rappelé à chacun l’intérêt que portait l’ancien directeur phare du TNP au cinéma et au théâtre. Un héritage qui ne repose pas sur les mêmes bases pour tous. « Il est facile de faire parler les morts, tacle une salariée du TNP. Roger Planchon a certes fondé le Studio 24 en 2002 [devenu Pôle Pixel en 2009, ndlr] pour produire des films, mais en aucun cas il n’a été pensé comme une filiale du TNP ou inversement. » « Cette filiation avec Roger Planchon est pour moi la preuve des liens historiques qui unissent le Pôle Pixel avec le TNP », défend au contraire Géraldine Farage, directrice du Pôle.

Un déplacement prévu de longue date

L’étude du cabinet Pogo-développement — que nous n’avons pas eu l’autorisation de consulter — comporterait quinze hypothèses. Selon les différentes parties, l’hypothèse retenue prévoit des coproductions sous la...