TRIBUNE — De très nombreuses organisations professionnelles du spectacle vivant dénoncent d’une même voix la fragilisation de la part collective du pass Culture, et réclament le financement pérenne de l’éducation artistique et culturelle.
Après le tollé suscité par le gel de la part collective du pass Culture en janvier 2025, cette dernière a finalement été réouverte en juillet. Une mesure insuffisante pour les professionnels du spectacle vivant, qui s’en expliquent dans une tribune.
L’éducation artistique et culturelle (EAC) ne peut être une variable d’ajustement budgétaire. Alors que les professionnels de la culture s’engagent en faveur d’une politique d’EAC très volontariste depuis des décennies, au fil du temps la part collective du pass Culture en est devenue le principal levier budgétaire. Dès lors, les choix récents autour du financement de la part collective du pass Culture et la disparition progressive des dispositifs d’appel à projets fragilisent ce pilier de la démocratie culturelle.
Face à cette situation, les professionnel(le)s des métiers de la relation du spectacle vivant s’organisent. Nous annonçons aujourd’hui la création d’un Réseau national des métiers de la relation du spectacle vivant, pour fédérer les acteurs et actrices de ces métiers, affirmer leur importance et exiger des politiques culturelles cohérentes et ambitieuses, dans la continuité des actions et réflexions menées par les médiateur(trice)s des arts visuels et avec leur soutien.
Nous invitons médiateur(trice)s, artistes, enseignant(e)s, étudiant(e)s et partenaires culturels à nous rejoindre. Ensemble, refusons le recul des ambitions et réaffirmons une exigence : une politique culturelle nationale digne de ce nom, à la hauteur des générations à venir. Cette tribune en est le premier acte.
Rentrée de la part collective du pass Culture : un budget drastiquement amputé
« La part collective du pass Culture, principal financeur aujourd’hui des projets d’éducation artistique et culturelle (EAC), voit son budget amputé drastiquement pour les trois derniers mois de l’année 2025, sans aucune garantie d’être reconduit à la hauteur des besoins pour l’année 2026. Une politique culturelle recouvrant des enjeux sociaux et démocratiques ne peut être réduite à un dispositif unique, instable et précipité : nous refusons cette logique absurde et dangereuse.
Un signal inquiétant pour l’éducation artistique et culturelle
« Chaque rentrée culturelle devrait être un moment d’élan et d’enthousiasme. Pourtant, cette année, un signal alarmant traverse le secteur de la culture : le budget de la part collective du pass Culture chute de 22 à 15,2 millions d’euros pour le dernier trimestre 2025, soit une baisse de plus de 30 %. Cette coupe brutale intervient dans un contexte de rigueur budgétaire, en dépit des 10 millions d’euros débloqués en janvier pour des préréservations. Présentée comme un soutien supplémentaire, cette enveloppe censée couvrir toutes les actions culturelles du secondaire entre octobre et décembre, a en réalité été ponctionnée sur le budget existant, laissant une somme dérisoire et la perspective d’une réouverture chaotique où de nombreux projets ne verront jamais le jour.
De fait, les professionnel (le) s sont dans l’incapacité de prévoir la faisabilité de leurs projets et il n’y a pas de doute que les 15,2 millions de financement pour le dernier trimestre 2025 seront épuisés dès la réouverture des préréservations des offres aux établissements, le 19 septembre prochain. Combien de projets d’EAC seront abandonnés dès leur conception ? Quel sera l’impact pour les structures artistiques ?
Oui, l’État connaît une tension budgétaire inédite. Oui, des efforts sont nécessaires. Mais quel message envoie-t-on lorsque l’unique dispositif fort sur lequel s’appuient les structures artistiques pour favoriser l’accès et la contribution des collégien(ne)s et des lycéen(ne)s à la vie culturelle se voit fragilisé ? Il faut le dire clairement : la part collective du pass Culture est devenue, de fait, la quasi-seule source de financement d’une politique nationale en matière d’éducation artistique et culturelle au collège et au lycée. Nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation, d’autant que le pass Culture ne couvre pas tous les âges de la jeunesse. Faire du pass Culture-part collective le levier unique de l’EAC revient à exposer tout un écosystème (institutions, professionnel (le) s des publics, artistes, médiateur(trice)s et publics eux-mêmes) à des variations politiques et budgétaires imprévisibles. Cette dépendance aggrave la précarité au lieu de la réduire.
Un dispositif indispensable… mais isolé et fragile
Le pass Culture-part collective, pensé comme un complément, est devenu le socle quasi exclusif de l’action publique en matière d’EAC, alors que les financements pérennes, territoriaux et structurels se réduisent ou disparaissent. Une politique culturelle ne peut se résumer à un guichet numérique, dépendant des arbitrages budgétaires.
Cette fragilité se traduit concrètement par :
● Des projets annulés ou réduits faute de financements stables ;
● Des inégalités sociales et territoriales aggravées, notamment dans les zones rurales et les quartiers prioritaires ;
● Des artistes et médiateur(trice)s fragilisé(e)s, pris dans l’incertitude permanente, et la disparition de postes de chargé(e) s des publics au sein des structures culturelles les plus précarisées.
Une annonce tardive et floue : le pire moment pour agir
Comme si cela ne suffisait pas, la réouverture de la part collective a été annoncée
mi-juillet, au moment où le secteur éducatif et culturel est en congé ou sur le point de l’être. Sans calendrier précis, sans critères stables, sans...
Lire la suite sur telerama.fr





