
Face aux problèmes financiers, aux envies nouvelles du public et à l'offre pléthorique, les rendez-vous musicaux de l'été sont aujourd'hui contraints de trouver des parades pour sortir du lot, au-delà de la seule programmation.
Depuis quelques mois, les titres de presse pullulent: «festival annulé», «l'édition 2025 n'aura pas lieu». Ils s'appellent Process (Quimper), Les Pieds dans la vase (Kervignac, dans le Morbihan), Palmarosa (Montpellier) ou autre, rassemblent parfois des milliers de personnes et ont été contraints d'annuler leur édition cette année. Et pour cause: les festivals français connaissent des défis toujours plus nombreux et difficiles à relever. Baisse des subventions, hausse des cachets des artistes, réchauffement climatique, inflation… Même les plus gros rendez-vous musicaux sont aujourd'hui contraints de se démarquer face aux enjeux et à la concurrence, bien loin de la seule programmation.
Selon le bilan du Centre national de la musique (CNM) pour l'année 2024, 48% des 2.082 festivals de musique et d'humour analysés ont été déficitaires, dont 44% l'ont été en affichant pourtant des taux de remplissage supérieurs à 90%. Jean-Michel Dupas, programmateur et directeur artistique du Printemps de Bourges (Cher), est même plus alarmiste: «Je pense qu'il y a 60% des festivals qui ont perdu de l'argent l'année dernière. Cet été, cela ne m'étonnerait pas que l'on approche des 80%.»
Pourtant un ovni dans le paysage des festivals de musique, le Printemps de Bourges se retrouve chaque année à trouver des parades pour continuer à faire venir le public et survivre malgré les aléas. D'autant plus que pour sa 49e édition, qui s'est déroulée du 15 au 19 avril, le festival a notamment été amputé de 400.000 euros de financement, malgré son succès (plus de 200.000 festivaliers cette année). Ainsi, depuis moins de dix ans, le Printemps de Bourges s'est recentré sur la découverte, avec une programmation composée à 70% d'artistes émergents ou qui ne sont pas encore des superstars.
La chance du festival berruyer? Que l'événement se déroule dans de multiples salles, à jauges variables, de 80 à 10.000 places. Ce qui permet aussi de proposer des «créations», soit des performances parfois uniques ou seulement jouées quelques fois, l'un des moyens pour le Printemps de Bourges de rester incontournable: cette année, ce sont par exemple des artistes qui ont rendu hommage à la grande voix égyptienne Oum Kalthoum.
Offrir un standing et «un univers» au public
Face aux défis, chaque festival est à la manœuvre pour se démarquer. Au cœur d'un immense parc, autour d'un château datant du XIXe siècle, la musique résonne chaque année au festival Beauregard (dans le Calvados, près de Caen). Celui-ci est désormais l'un des rares à afficher complet plusieurs mois avant chaque édition, qui se déroule au début du mois de juillet. Sa force? L'accueil offert aux festivaliers. «Je pense que le public est capable de payer une place de festival à condition de ne pas être pris pour n'importe qui. Dès le début, en 2009, nous avons travaillé sur le confort, les services et l'expérience que le festivalier pourra vivre», se souvient Paul Langeois, directeur de l'événement normand, qui reconnait pour ça se priver d'une jauge plus importante.
«Nous sommes descendus à 20% de programmation d'artistes étrangers. Avant, nous tournions plus autour de 40%.»
Jean-Michel Dupas, programmateur et directeur artistique du Printemps de Bourges
Avec son esthétique pensée, ses animations, ses toilettes facilement accessibles, sa restauration de qualité ou encore ses lieux de repos sonores et physiques, le festival Beauregard a réussi son pari d'offrir un véritable standing à son public, toujours plus nombreux. Ce confort est «très coûteux», avoue Paul Langeois. «Mais c'est une enveloppe très importante sur laquelle il y a presque no limit. L'idée est vraiment de se retrouver dans un univers.» Le directeur de Beauregard est formel: «Si tu es à 5 euros la bouteille d'eau, que rien n'est prévu pour se garer, que tu dois faire la queue pendant une heure pour aller aux toilettes, tu fais le plein une fois, mais les festivaliers ne reviendront pas.»
Et aujourd'hui, tout est bon pour faire venir le public, qui commence à bouder les grandes manifestations musicales d'été. Selon l'étude du CNM, 30% des festivals analysés ont connu un taux de remplissage plus faible en 2024. «Les grandes salles comme les arénas remplissent comme jamais. C'est pourtant 150 euros la place, souvent plus, mais les gens préfèrent parfois aller voir leur artiste préféré plutôt que de se rendre à un festival», constate Paul Langeois. Alors que le rappeur Jul remplit un Stade de France en quelques minutes –pour ne citer que lui, avec un nouveau record d'affluence à la clé pour son concert du 26 avril–, le Syndicat des musiques actuelles le montrait aussi dans son bilan de la saison 2024 des festivals: seulement 49% des festivals adhérents ont affiché complet sur au moins une journée.
«Sans argent, il faut avoir des idées»
«C'est vrai qu'on a l'impression parfois qu'on file dans le mur», s'émeut Jean-Michel Dupas. La faute, aussi, aux «chiffres surréalistes» des cachets des artistes. «Nous, au Printemps de Bourges, nous sommes descendus à 20% de programmation d'artistes étrangers. Avant, nous tournions plus autour de 40%», se souvient-il. C'est d'ailleurs pour ça que les organisateurs du festival Au Foin de la rue, situé à...
Lire la suite sur slate.fr