
Les représentants des studios, des réalisateurs et des techniciens du cinéma font allégeance à l’administration Trump, qui rêve de torpiller tout ce qui limite la domination des plateformes américaines.
Depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, en janvier, les lobbyistes américains ne s’embarrassent pas pour dire tout le mal qu’ils pensent de l’exception culturelle européenne. Grâce au rôle moteur joué par la France, la culture n’est pas considérée en Europe comme un bien comme les autres : depuis 1994, elle bénéficie d’un statut spécifique dans les accords de libre-échange. Les Etats de l’Union européenne (UE) peuvent ainsi la soutenir financièrement, imposer des quotas de diffusion et de production d’œuvres européennes dans les télévisions, ou encore obliger les plateformes de vidéo américaines comme Netflix et Disney+ à financer la production de longs-métrages français. En France, une taxe sur chaque billet de cinéma – donc aussi sur les films hollywoodiens – permet également de financer les petits films indépendants. Depuis trente ans, ces mesures ont toujours irrité les Américains.
Le 21 février, l’administration Trump a publié un mémorandum destiné à défendre les entreprises américaines contre les régulations étrangères jugées discriminatoires, notamment en Europe. Ce texte critique les taxes sur les services numériques et les obligations d’investissement destinées à promouvoir les contenus européens et la diversité culturelle imposés par la directive Services de médias audiovisuels (SMA), estimant qu’elles désavantagent les entreprises technologiques américaines par rapport aux acteurs locaux.
Ce mémorandum recommande des mesures de rétorsion douanière en réponse à ces régulations et annonce que deux directives-clés européennes, le Digital Services Act et le Digital Markets Act – qui réglementent les services numériques et visent à limiter la domination économique des grandes plateformes –, seront « examinées de près par l’administration américaine ».
« Violence inouïe »
Dans leur courrier annuel, envoyé le 11 mars à l’United States Trade Representative (USTR), le Bureau du représentant américain au commerce, qui enquête précisément sur les obstacles au libre-échange, Russell Hollander, directeur de la Directors Guild of America (le syndicat des réalisateurs de cinéma), et Matthew Loeb, président du Syndicat des techniciens et équipes artistiques du cinéma, du divertissement et de l’audiovisuel, affirment que « les pratiques néfastes ont impacté depuis des décennies l’industrie américaine du film » en Europe. Représentant 200 000 personnes, ils annoncent clairement la couleur : « Nous soutenons les efforts de l’administration [Trump] pour éliminer les barrières au commerce extérieur. »
La Motion Picture Association (MPA), l’association qui veille aux intérêts des majors hollywoodiennes et de Netflix, n’est pas en reste. Dans son rapport du 11 mars, également adressé à l’USTR, Charles Rivkin, le patron de la MPA, dénonce « une série de pratiques déloyales », comme les quotas. Il critique « une réglementation trop restrictive qui constitue une menace pour le développement » des entreprises américaines, notamment des...
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