
FIGAROVOX/TRIBUNE - Comparée à d’autres puissances, la politique culturelle de la France accuse un sérieux retard, alerte la consultante en affaires publiques Marguerite Frison-Roche. Elle appelle à un «18 juin culturel», en référence au discours du général de Gaulle.
Diplômée de l’Accademia della Scala à Milan, Marguerite Frison-Roche est consultante en politique culturelle.
Depuis l’appel du 18 juin 1940, il est de tradition en France de faire de cette date un moment de sursaut national. En 2025, à l’heure où la France s’efface du podium des grandes puissances, il est temps de lancer un nouvel appel du 18 juin — culturel celui-ci. La culture française recule, notamment dans les goûts des Français. Son rayonnement s’essouffle à l’international. Son influence dans le monde repose davantage sur un héritage glorieux que sur des créations contemporaines ambitieuses. Sur le plan de la politique interne, l’action culturelle est devenue marginale, dépendante du tempérament du ministre en place et de sa proximité avec le chef de l’État.
Depuis Malraux en 1959, ministre d’État fondateur du ministère des Affaires culturelles, la France n’a connu que trop rarement une telle stature culturelle dans son gouvernement. Jack Lang, sous Mitterrand, fit exception en y apposant sa marque. Mais depuis, le ministère de la Culture n’a cessé de se rétrécir, avec cinq titulaires en huit ans, et un effacement progressif dans les priorités de l’exécutif.
Pourtant, le XXIe siècle est un siècle de guerre culturelle mondiale. Et d’autres pays l’ont très bien compris. En premier lieu, la Chine. Depuis 2007, sous l’impulsion du Parti communiste chinois, le pays a mis en place une politique de conquête culturelle. Cela s’inscrit dans un cadre bien plus large, aligné avec son objectif de devenir la première puissance mondiale d’ici 2049, à l’occasion du centenaire de la fondation de la République populaire de Chine. Elle a ouvert plus de 500 Instituts Confucius dans le monde afin de promouvoir la langue. La Chine a également investi plus de 10 milliards de dollars dans son industrie cinématographique au cours de la dernière décennie, devenant ainsi le deuxième plus grand marché cinématographique mondial après les États-Unis.
Aux États-Unis, les industries culturelles et créatives pèsent plus de 2 % du PIB, principalement grâce à une dynamique privée extrêmement puissante. Le secteur bénéficie d’investissements massifs de la part des géants du divertissement, des universités et des plateformes mondiales comme Netflix, qui assurent l’expansion du soft power américain. En France, avec un financement public de 4,5 milliards, l’ambition reste souvent défensive, centrée sur la conservation plutôt que sur la conquête. L’écart d’ambition stratégique est frappant.
Il est urgent de revoir en profondeur l’organisation de notre politique culturelle. Pour cela, trois mesures s’imposent. D’abord, la création d’un ministère de la Culture renforcé. Il doit retrouver une dimension stratégique, étendue aux secteurs connexes : éducation, jeunesse, sport, francophonie, numérique, tourisme, identité nationale. Un ministère de la Culture moderne ne peut pas se limiter à l’entretien du patrimoine : il doit porter une ambition civilisationnelle. À l’instar du modèle japonais, avec le MEXT (Ministry of Education, Culture, Sports, Science and Technology), qui allie l’Éducation, la Culture, les Sports, les Sciences et la Technologie. Ce modèle unifié permet une action cohérente entre formation, innovation et rayonnement culturel. Doté d’un budget global de près de 40 milliards d’euros - soit un tiers de moins que le budget de l’éducation national en France -, le MEXT pilote à la fois les politiques éducatives, la transition numérique dans les écoles et les industries culturelles. Loin d’un monstre bureaucratique, c’est un outil agile de puissance d’influence. La France pourrait s’en inspirer pour bâtir un ministère transversal à la hauteur des enjeux contemporains et faire ainsi de larges économies. Ce ministère doit redevenir un ministère d’État, symbole de prestige et de priorité politique. Un ministre reconnu comme pilier de la politique générale peut ainsi peser dans les arbitrages majeurs, incarné par une...
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