Offrir un accès à la culture à tous est une entreprise de longue haleine qui nécessite des infrastructures et des équipes dédiées. Et donc du temps et du budget.
Culture, éducation, justice, information, sciences… Syndeac, le syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, organise en 2025 une série de débats pour souligner le rôle et l’importance des services publics dans la société. Une série d’événements dont Libération est partenaire. Prochain débat, «Culture et rénovation urbaine : un même combat pour l’égalité», le 13 octobre à Valenciennes.
«L’art est le plus court chemin de l’Homme vers l’Homme», philosophait l’écrivain André Malraux, qui a impulsé de grands programmes d’accès à la culture pour tous en tant que ministre des Affaires culturelles, de 1959 à 1969. «Mon rap est un art prolétaire alors les minorités y sont majoritaires», chante de son côté le rappeur Kery James dans A l’ombre du show-business.
Car le constat est là : plus d’un demi-siècle après les grands plans nationaux d’accès à la culture, alors que des scènes nationales de danse et de théâtre ont essaimé partout sur le territoire, que de nombreux quartiers sont dotés de Maisons de la Jeunesse et de la Culture, et que plusieurs réseaux nationaux se chargent de faire vivre la culture à l’échelle locale, la culture continue d’être hors de portée d’un certain nombre de Français. Le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), dont Libé est partenaire, explore la thématique lors d’un débat organisé à Valenciennes le 13 octobre.
Pour remédier à l’éloignement culturel, les institutions se creusent la tête : faut-il proposer des spectacles gratuits, des places à tarif réduit, ne se consacrer qu’aux musiques urbaines, se délocaliser sur TikTok ? «Il n’y a pas de martingale», avertit d’emblée Emmanuelle Jouan, directrice du Théâtre Louis Aragon, scène conventionnée d’intérêt national à Tremblay-en-France, dans le département de Seine-Saint-Denis. Pour celle qui pilote depuis 2008 cette scène conventionnée d’intérêt national Art et création portée sur la danse, il n’y a qu’un seul mot d’ordre, pour les gouverner tous : «le temps». Elle réfléchit un moment, pour en chercher d’autres, puis reprend : «le temps, le temps, le temps».
Le temps d’aller voir le public, le temps de nouer un contact avec lui, le temps de lui montrer que les spectacles que l’on propose vont lui plaire. «On peut avoir la meilleure des programmations et une salle absolument vide, fait remarquer Emmanuelle Jouan. Si le public vient, ce n’est pas parce que le chorégraphe qu’on invite vient de donner son spectacle au Grand Palais : c’est parce qu’on a croisé les gens au marché le matin, et qu’on leur a dit, “viens voir, ça va être super !”».
Alors, pas le droit de faire un bide : «parmi les personnes qui viennent sur la base de la confiance qu’elles nous font, beaucoup mettent les pieds dans un théâtre pour la première fois, poursuit Emmanuelle Jouan. Alors il faut que la promesse soit tenue, pour qu’elles se disent : “Wow, c’est ça, le spectacle vivant !”». Mais pour nouer ce lien de confiance avec les habitants d’un territoire, il faut les travailler au corps, une année après l’autre : intervenir dans les écoles et les collèges, travailler avec des éducateurs de rue, faire participer les jeunes à la vie du théâtre. Une entreprise de longue haleine, qui nécessite des équipes dédiées, et donc du temps et du budget.
Défis
Le budget, du côté du théâtre Louis Aragon, tient bon grâce au «soutien inconditionnel» des politiques qui accompagnent le projet depuis plusieurs années. Mais il se décline aussi sur une large palette d’éléments : dans un des départements les plus pauvres de France, dans une ville plus fréquemment invitée dans les journaux pour parler des émeutes urbaines que pour la vie culturelle, les défis sont nombreux.
A commencer par l’accessibilité géographique : si l’institution culturelle n’est pas desservie par des transports qui permettent de rentrer chez soi après la performance, c’est tout un public (jeunes sans permis, personnes sans voiture) qui est...
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