
La région présidée par Christelle Morançais, déjà à l’origine de coupes dures dans le secteur de la culture, retire l’aide aux événements dans les lieux de moins de 200 places, dont elle était pourtant partie prenante. Une décision qui précarise les artistes, les lieux et la création.
«C’est un drame pour les musiciens.» La litanie des coupes budgétaires se poursuit dans les Pays-de-la-Loire. Depuis le vote en décembre d’un budget de fonctionnement de la région raboté de 82 millions d’euros, le monde de la culture locale encaisse. Dernier coup de rabot : la collectivité présidée par Christelle Morançais (Horizons) se retirera, en 2026, du groupement d’intérêt public (GIP) Cafés Cultures pour lequel elle a versé 100 000 euros cette année ; 90 000 l’an dernier. Alors, Karine Huet – musicienne, secrétaire générale adjointe du Syndicat national des artistes musicien·ne·s (Snam) CGT et vice-présidente du GIP – s’alarme de la disparition de cette aide soutenant les événements culturels dans les lieux de moins de 200 places. En général, il s’agit des cafés-concerts.
Un communiqué publié ce mardi 3 juin et auquel se sont également joints la CGT spectacle ou encore le Syndicat français des artistes interprètes, avance qu’«en 2024, [cette enveloppe] a permis à 1 562 salarié·es de travailler dans 924 spectacles qui se sont produits dans 155 lieux». Parmi les cinq départements des Pays-de-la-Loire, 60 % des lieux aidés le sont uniquement par la région. «Quand ça a été lancé, ça avait été une révolution dans l’histoire des politiques culturelles», se rappelle Chloë Le Bail, directrice adjointe du collectif Cultures bar-bars, association nationale basée à Nantes et dont «le cœur des adhérents est en Pays-de-la-Loire». Elle souffle également que la région n’a «pu se retirer en 2025 pour des raisons contractuelles».
20% de concerts en moins
Créé en 2015 et expérimenté entre 2012 et 2014, ce dispositif distribue 1,5 million d’euros par an et fonctionne avec l’adhésion de collectivités : municipalités, communautés d’agglomérations, départements, régions…. Ces dernières versent une somme destinée à leur territoire – l’enveloppe d’un territoire est potentiellement constituée de l’apport de différentes collectivités. Afin d’encourager les adhésions, 80 % des 500 000 versés par le ministère de la Culture sont fléchés vers les collectivités adhérentes. «Quand on perd 100 000 euros, on perd beaucoup plus : ce dispositif est tellement vertueux qu’avec peu d’argent, on arrive à créer pas mal d’emplois», souligne ainsi Karine Huet qui a fait les comptes de ce retrait de la région. Cette dernière use de tautologie pour justifier son retrait : «La région des Pays-de-la-Loire a décidé de sortir du GIP à la suite de la suppression de sa subvention à cette structure», nous indique-t-on.
Pour les lieux aidés, il suffit de remplir un document en ligne avec les coordonnées sociales de l’artiste et il en sort une fiche de paie avec son net et ses cotisations. «quarante-huit heures après, le bar reçoit un virement», rappelle Karine Huet. A la tête de l’un des principaux cafés-concerts d’Angers (Maine-et-Loire), le Joker’s Pub, Jean-Yves Kerhornou, indique que le GIP représente 7,25 % du budget qu’il dédie aux 70 à 80 concerts annuels organisés dans sa salle de 110 personnes. «Cette année, on a 68 salariés [musiciens] aidés. En 2017, c’était 203. Là, il n’y a déjà plus rien dans les caisses depuis fin mars.» Conséquences de cette baisse ? 20 % de concerts en moins et la priorité donnée aux artistes «sous contrat de cession» plutôt que ceux payés en cachet dont il doit régler la part de cotisations.
«Systémisme du travail dissimulé»
Du côté des artistes, cette suppression inquiète également. «On présentait même ce dispositif aux structures qui ne le connaissaient pas», témoigne Olivier Veaux, un DJ angevin œuvrant sous le nom de DJ Spok. Outre une crainte de la disparition de l’exception culturelle française dans les méandres de la compétitivité, cet ex-travailleur social s’inquiète de la pérennisation de son statut d’intermittent. Karine Huet évoque «un systémisme du travail dissimulé» – qui ne permet donc pas de cotiser et d’accéder au statut d’intermittent – que le GIP Cafés Cultures tente d’enrayer. «C’est un milieu où il y a beaucoup de black», admet le DJ.
«On fait croire aux musiciens qu’ils vont se faire connaître et ensuite jouer dans des grandes salles, poursuit-elle. Aujourd’hui, ce n’est pas vrai : il y a des groupes qui font toute une carrière dans les bars.» Sur l’onglet du...
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