
Malgré les difficultés financières, nombre de collectivités, de bords politiques divers, maintiennent, voire amplifient, leur appui au secteur artistique.
Soutenir ou ne pas soutenir la culture ? Et, si oui, comment et pourquoi le faire dans un contexte économique si tendu que chaque euro sorti des caisses des collectivités territoriales est pesé, soupesé et scruté à la loupe ? Alors que des élus locaux de tout bord, contraints par leurs budgets en berne, diminuent leurs aides aux structures culturelles, d’autres responsables politiques, venus du centre, de la droite ou de la gauche, jouent une autre partition. Ils se battent pour maintenir les crédits alloués à la culture. Ne sacrifier, donc, ni la création, ni l’émergence, ni, en bout de chaîne, le public en quête d’un art qui le bouscule et l’émancipe.
Cette décision transpartisane, qui se traduit par une sanctuarisation, voire – plus rare – par une augmentation des subsides accordés, découle d’un vrai choix politique. Le mot n’est pas galvaudé, avec comme moteurs puissants à cette mobilisation pour les artistes et la liberté d’expression, la lutte contre le complotisme, les fake news, la censure ou l’essor de l’extrême droite. Maintenir le niveau des subventions culturelles, quand il serait facile d’arguer de priorités supérieures, telles que la sauvegarde de l’hôpital, de l’école ou des transports, et alors que le gouvernement cherche encore 40 milliards d’euros d’économie sur le budget 2026, témoigne d’un engagement qui va au-delà de la posture.
« Si, dans les Hauts-de-France, nous y parvenons, alors tout le monde peut le faire », estime Xavier Bertrand (Les Républicains, LR), qui plaide pour une refonte du socle éducatif : « Il faut que, en son cœur, soit placée l’éducation culturelle et artistique. C’est un chantier présidentiel en soi », insiste-t-il. A la tête du conseil régional des Hauts-de-France, il a, depuis son élection en 2016, porté son budget de la culture de 76 millions d’euros à 115 millions d’euros.
« Nous ne partions pas d’une page blanche, mais nous l’avons augmentée de deux tiers, ce n’est sûrement pas pour faire aujourd’hui marche arrière », assure celui qui ferraille depuis près de dix ans avec l’opposition du Rassemblement national (RN) : « Le nombre de fois où ils ont affirmé qu’il ne fallait pas voter des aides à des festivals, car on y déclamait des vers trop crus d’Apollinaire ! Culture ne rime pas avec censure, sauf pour le RN. » Elle ne rime pas davantage, à l’en croire, avec le refrain dévastateur du « non-essentiel » seriné pendant le Covid-19, et qui a relégué les rencontres entre l’art et le public à l’arrière-plan des préoccupations gouvernementales.
Un Etat aux abonnés absents
« La crise sanitaire a été un déclic, renchérit Cécile Helle, la maire (Parti socialiste, PS) d’Avignon. Nous avions accès aux lieux de consommation, mais pas à ceux de culture. Cette privation m’a interpellée sur l’image de société qui était alors renvoyée. » Deuxième confinement oblige, à l’automne 2020, l’édile a vu se profiler le spectre d’une France sans théâtres, sans musées ou sans cinémas. « Ce n’est pas cela que l’on veut pour notre pays et notre République », proteste-t-elle.
Alors que la 79e édition du Festival d’Avignon a démarré, samedi 5 juillet, Cécile Helle rappelle que, derrière la « carte postale » d’un Palais des papes chauffé par le soleil, 30 % de ménages vivent au-dessous du seuil de pauvreté dans sa ville. C’est à cette population-là, plus qu’aux spectateurs qui battent le pavé du « in » et du « off », qu’elle veut prouver à quel point la culture est vitale. Elle y consacre 18 millions d’euros par an ; soit 10 % de son budget de fonctionnement. Elle inaugure des bibliothèques de proximité dans les quartiers populaires, a fait ouvrir, en juin, un sixième musée municipal. L’accès à ces établissements est libre. Si la gratuité n’est pas la recette miracle, « c’est une manière d’affirmer que la culture est généreuse », précise-t-elle. Et désireuse, qui plus est, de se délocaliser au-delà des remparts d’Avignon.
Des mairies aux communautés de communes, des départements aux régions, la décentralisation se met en ordre de marche pour prendre le relais d’un Etat parfois aux abonnés absents. Quand elle ne se substitue pas à lui, en jouant les pompiers de service.
« On sent monter des crispations, des tensions, des appels au secours », note Loïg Chesnais-Girard, président (divers gauche) du conseil régional de Bretagne. Si cette région n’est pas une « arche de Noé » pratiquant « l’open bar », cet élu social-démocrate a posé la culture comme « non négociable dans les arbitrages budgétaires de sa collectivité ». L’enveloppe de 28 millions d’euros n’a pas faibli depuis 2017. C’est peu au regard du budget total de la collectivité (2 milliards d’euros), mais essentiel sur le plan symbolique. « Le message que nous adressons au monde culturel breton est celui d’une volonté politique intangible. »
La sienne se heurte tout de même à un Etat qui concentre à Paris, regrette-t-il, la majorité des ressources. « On nous dit : “Assumez, gérez, menez de grandes politiques publiques”, alors que l’on ne dispose que d’une pince à épiler, soupire M. Chesnais-Girard. Il faut redonner des capacités et des moyens financiers aux élus locaux. Les décisions doivent se prendre dans...
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