
Amateurs ou professionnels, les musiciens sont confrontés à des douleurs. Échange avec l’ergothérapeute Céline Bouissou, qui a rassemblé analyses de postures et conseils anti-douleur dans un livre paru en janvier intitulé Faites de la musique sans vous faire mal (De Boeck).
Les musiciens professionnels travaillent leur instrument plusieurs heures chaque jour, quels risques y a-t-il pour le corps ?
CÉLINE BOUISSOU : Cette répétition des gestes comporte inévitablement des risques, c’est de la biomécanique pure et dure. Un muscle que l’on va surcharger va automatiquement souffrir. Je ne propose pas forcément de diminuer le temps de travail, mais de le répartir différemment : quatre fois trente minutes au lieu de deux heures d’affilée, par exemple. Il y a un véritable bénéfice à faire des pauses, pour faire bouger le corps et mobiliser les systèmes d’activation de la mémoire qui vont aussi être bénéfiques. Cela dépend bien sûr du contexte : dans un orchestre, tout ne dépend pas que des musiciens, on ne va pas obliger les chefs à faire des pauses. Pour autant, pendant les sessions d’orchestre, il y a certains moments où les vents jouent et pas les cordes et inversement, il est alors possible de poser l’instrument et de se reposer un peu.
Certaines positions communément enseignées aux musiciens sont-elles mauvaises à long terme ?
CB : Il y a pas mal de petites choses. Typiquement, les pianistes apprennent que l’avant-bras doit toujours être aligné avec le corps, je conseille plutôt de tourner le buste. L’avantage d’un piano, c’est que, peu importe l’endroit de la touche, il va relativement donner le même son. Pour les harpistes, on demande à garder une hauteur du coude, ce qui crée beaucoup de tensions. L’objectif est d’identifier si cela est bien nécessaire selon la technicité du passage. Le choix d’un matériel adapté est aussi important, tout ce qui va créer un point de contact avec le corps est à remettre en question en permanence. Pour les instrumentistes à vent, le cordon que l’on voit partout crée une zone de tension au niveau des cervicales, c’est forcément mauvais. Il vaut mieux opter pour un harnais ou une béquille, par exemple.
Observez-vous une prise de conscience concernant les problématiques de posture ?
CB : La mentalité « no pain no gain » est encore très présente, alors que ce n’est pas forcément parce que l’on va travailler énormément que l’on va jouer mieux. Dans les établissements de haut niveau et les grands orchestres, cette vision reste compliquée à modifier à cause de la tradition qui demeure très forte. Cependant, cette mentalité recule avec le passage de génération. Je le vois rien qu’à l’échelle de ma...
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