Si de grands établissements, tels le Louvre ou Versailles, augmentent, en 2024, le prix de leurs billets, d’autres misent sur l’entrée libre comme levier de démocratisation culturelle.
A l’entrée du Musée du Louvre, à Paris, le 9 août 2023. L’établissement parisien a comptabilisé 8,9 millions de visiteurs en 2023. MIGUEL MEDINA/AFP
Quand Véronique Antoine-Andersen prend la plume, c’est généralement pour écrire des livres pédagogiques. Mais, lorsque, en décembre 2023, le Louvre a annoncé augmenter de manière spectaculaire le prix de son billet d’entrée, désormais à 22 euros, contre 15 euros en ligne et 17 euros sur place auparavant, le sang de l’historienne d’art n’a fait qu’un tour.
L’ancienne médiatrice, passée notamment par le Musée en herbe et la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, a aussitôt lancé, sur Change.org, une pétition intitulée « Le Louvre flambe ! Contre l’augmentation de 30 % de son prix d’entrée ». « Comme citoyenne, je suis abasourdie par cette décision », explique-t-elle, rappelant que la gratuité était l’un des principes fondateurs du plus grand musée du monde.
Abasourdi, Jean-Michel Tobelem l’est tout autant. « L’article 7 de la loi sur les musées de France est pourtant très clair : les tarifs d’entrée doivent être fixés de manière à favoriser leur accès au public le plus large », fulmine ce professeur associé à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, qui dénonce une « élitisation des musées ». Une étude menée en 2019 par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie pour le compte du ministère de la culture lui donne raison : 44 % de nos concitoyens déclaraient avoir renoncé à une visite de musée ou de monument en raison du prix. Pour 82 % d’entre eux, le tarif « psychologique » ne doit pas dépasser 10 euros.
Le Louvre n’est pourtant pas le seul musée français à pratiquer une grosse majoration. Pour visiter le château de Versailles, il faut s’acquitter de 21 euros, soit 1,50 euro de plus qu’en 2023. Au Centre des monuments nationaux, qui coiffe une centaine d’établissements, les tarifs grimpent en moyenne de 1 euro cette année. « On n’a pas le choix, plaide sa présidente, Marie Lavandier. La crise sanitaire a laissé des séquelles, malgré l’engagement de l’Etat, et les records de fréquentation n’ont pas suffi à remonter la pente à cause de l’inflation. On doit trouver une respiration financière. »
Coûts de l’énergie
Depuis des années, les grands musées français doivent concilier accès à la culture et autonomie financière. Un vrai casse-tête, d’autant que les subventions de l’Etat plafonnent, que le mécénat se tarit et que les coûts des chantiers de restauration s’envolent dans les établissements vétustes. La hausse impopulaire des tarifs d’entrée, validée, voire encouragée, par la Rue de Valois, semble dès lors inexorable. D’autant qu’elle pénalise principalement les touristes étrangers, premier contingent des gros mastodontes franciliens, prêts à tous les sacrifices pour remonter le temps avec Marie-Antoinette, se prendre en selfie avec La Joconde ou jouir d’une vue sur tout Paris depuis l’Arc de triomphe, où le ticket grimpe, en 2024, de 13 à 16 euros.
La tendance se confirme partout en Europe. Depuis avril 2023, l’entrée du Panthéon, à Rome, est devenue payante. L’Acropole, à Athènes, augmentera de 30 % ses tarifs à partir d’avril 2025 (30 euros au lieu de 20). Certains, pourtant, résistent encore. Le Musée d’Orsay maintiendra en 2024 ses prix actuels (16 euros pour les collections permanentes, 22 euros pour les grosses expositions, et une nocturne à 10 euros), malgré l’inflation des coûts de l’énergie. « On est presque à 25 % de réduction de la consommation d’énergie par rapport à 2019, on a le soutien de l’Etat de 2 millions d’euros supplémentaires, argumente son administrateur général, Pierre-Emmanuel Lecerf. On a fait le choix d’encaisser le choc, car on peut se le permettre. » Mais pour combien de temps encore, alors que le musée doit bientôt gérer de gros travaux de réfection et de réaménagement ?
« Un effort important »
Quelques irréductibles refusent de céder à l’air du temps, en maintenant la gratuité de leurs musées. C’est le cas d’André Laignel, bouillonnant maire socialiste d’Issoudun (Indre), réélu sans discontinuer depuis près de quarante-sept ans. L’autodidacte d’extraction modeste a fait, en 1984, le pari de la gratuité de ses musées, dans une commune où le ...
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