Cours en ligne, visites virtuelles, réalité augmentée… Face aux pertes financières liées aux mesures contre la pandémie de coronavirus, les musées cherchent de nouveaux revenus dans le digital. Une démarche jusqu’ici taboue en France.
Cet été, le ministre britannique de la culture, Oliver Dowden, s’était montré généreux, en annonçant une aide de 100 millions de livres sterling (111 millions d’euros) aux 15 musées nationaux, fragilisés par la pandémie de Covid-19. Mais, dans un courrier révélé par l’Art Newspaper, il les mettait en garde : la largesse de l’Etat providence a des limites. Qu’on ne compte par sur lui pour les aider à l’avenir s’ils n’adoptent pas « un esprit commercial ». Notamment en monétisant leur offre numérique.
Si ces institutions ont vu leur fréquentation virtuelle exploser au cours du premier confinement, ce boom s’est révélé sans impact sur leurs recettes. « Pour les musées, l’offre numérique est forcément gratuite, car elle relève soit d’une mission de service public, soit du marketing », décrypte Jim Richardson, fondateur du blog MuseumNext. En juin, la National Gallery a toutefois pris les devants en proposant en ligne, au tarif actuel de 75 livres sterling, des cours habituellement dispensés dans ses locaux.
Idem au Victoria and Albert Museum (V & A), qui propose depuis septembre des cycles de cours en ligne, avec une formule d’abonnement à 395 livres sterling, à laquelle ont souscrit 453 personnes. « On a de meilleures marges de profit en ligne et on peut toucher beaucoup plus de gens, y compris à l’international », se félicite ainsi Kati Price, responsable du numérique au V & A.
« On n’a plus le choix »
En Amérique aussi, où les caisses des musées, majoritairement privés, sont vides, on explore des pistes de monétisation, mais plus indirectes. Ainsi du National Steinbeck Center (Salinas, Californie), dédié au Prix Nobel de littérature américain, qui vient de lancer une carte de membre à 30 dollars (25 euros), avec des avantages uniquement virtuels. Sur le même principe, le Musée des beaux-arts de Montréal propose la carte virtuelle « Mon MB@M » à 45 dollars par an. L’idée ? « Toucher une population trop âgée ou inquiète pour se déplacer physiquement au musée », explique Jean-Sébastien Belanger, chef du service aux membres et à la clientèle, qui vise un millier de membres.
Pour les établissements publics français, en revanche, la monétisation du contenu numérique reste taboue. « C’est une goutte d’eau dans l’océan de nos besoins », objecte un conservateur. Nombre de sites Web de musées ne disposent pas encore d’interface de paiement. « Le numérique a toujours été pensé comme un service ou un surcoût, jamais comme une ressource financière », regrette Philippe Rivière, ancien responsable du numérique au sein de Paris Musées, l’établissement public chapeautant 14 musées parisiens. Mais, ajoute-t-il, « aujourd’hui, on n’a plus le choix ».
Depuis le 8 octobre, Paris Musées propose des cycles de cours payants en ligne, tarifés de 8 (cours unique) à 130 euros (abonnement annuel), qui lui ont permis de récolter 400 abonnements. Au Musée des arts décoratifs, la directrice générale, Sylvie Corréard, entend aussi « mettre le sujet sur la table ». « Une réflexion a été lancée », confie pour sa part Bruno Maquart, président d’Universcience [Etablissement public réunissant le Palais de la découverte et la Cité des sciences et de l’industrie], qui, en septembre, a expérimenté une offre payante en ligne autour du festival Cité des sens. Quant au Centre Pompidou, qui a lancé en avril Prisme 7, un jeu vidéo gratuit, on avoue « ne s’interdire aucune piste payante ».
Réalité augmentée
Cette bascule, toutefois, ne s’opérera pas en un clic. « Seul un contenu ciblé, de grande qualité, avec une vraie plus-value peut être rémunéré », prévient Pierre-Yves Lochon, fondateur du Club Innovation & Culture (Clic). Nino Sapina, patron de l’entreprise de logiciels de réalité augmentée Realcast, abonde : « Les gens sont friands d’expérience forte, d’une certaine durée, avec un vrai scénario. »
Depuis trois ans, cette start-up a conçu des immersions...
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