Atteint du Covid-19 en mars, le ministre de la culture sort d’une séquence éprouvante. Alors que beaucoup le donnent partant en cas de remaniement, lui veut croire qu’il a passé le plus dur.
La petite troupe sillonne les rues du Marais, sous un soleil de plomb. Ce 14 mai, Franck Riester et trois conseillers font la tournée des galeries d’art parisiennes, pour promouvoir les dispositifs d’aide au secteur culturel, durement touché par la crise sanitaire : chômage partiel, fonds de solidarité et report de charges. Rue des Archives, le ministre de la culture s’arrête dans la galerie Anne Barrault, qui expose l’illustrateur David B., auteur de récits fantastiques. Des squelettes dansent en noir et blanc sur des planches de bande dessinée. Masqué, Franck Riester, costume sombre cintré, passe distraitement devant les dessins encadrés, aux intitulés glaçants : Le Mannequin sanglant, L’Ombre patiente, Les Rêves crucifiés.
Le ministre de la culture sort lui-même d’une séquence éprouvante, à l’image des petits personnages désarticulés, croqués par l’auteur de L’Ascension du haut mal. A la tête d’un secteur sinistré, premier à avoir fermé ses portes, dernier à les rouvrir, il doit gérer les conséquences d’un séisme sans précédent. L’annulation de tous les grands festivals d’été a été comme le coup de grâce. « Cela n’a pas été facile, dit en soupirant le député LRM (ex-LR) Thierry Solère. Il a cumulé les maux, les siens et celui du ministère. »
Franck Riester est en effet l’un des premiers responsables politiques à avoir été diagnostiqué positif au Covid-19, dès le 9 mars. C’est dans le « cluster » de la commission des affaires culturelles, où son projet de loi audiovisuel était examiné, qu’il a été infecté. Dix jours avant le confinement, le ministre a dû annuler un rendez-vous avec le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, et s’enfermer chez lui. Candidat pour un troisième mandat à la mairie de Coulommiers (Seine-et-Marne), il a renoncé à faire campagne. Il a appris sa réélection le 15 mars, avec près de 59 % des voix, depuis son domicile parisien.
Entre-temps, les premiers symptômes de la maladie sont arrivés, violents. La moitié de son cabinet est également touchée par cette « saloperie ». Inquiet, Franck Riester envoie un message à Emmanuel Macron : « Ce virus est affreusement contagieux et ça secoue fort ! » Aujourd’hui, le ministre confie avoir eu peur. « C’était la roulette russe. J’ai eu des amis en réanimation, certains sont décédés, ils avaient mon âge. A un moment, on se dit : pourquoi pas moi ? Pendant deux semaines, j’ai été sonné, avec 40 de fièvre. Et pas sur la balle, c’est vrai. »
Une tribune amère
C’est ce que lui ont reproché les acteurs du secteur culturel qui ont publié, le 30 avril, dans Le Monde, une tribune amère pour dénoncer ses silences et réclamer la prolongation d’un an des droits au chômage des intermittents du spectacle. En découvrant le nom des contestataires, Riester s’est mis en colère, appelant aussitôt certains signataires, dont le chanteur Benjamin Biolay qui, quelques jours plus tôt, lui avait assuré du soutien des artistes. Même agacement en entendant, un matin à la radio, le distributeur Eric Lagesse se plaindre de n’avoir eu aucun contact avec le ministère. « Il était fébrile, appelait à la moindre critique », note un familier du ministère. « On peut..
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