Un patrimoine ancien mal isolé, de grands volumes à éclairer et à chauffer, des décors à transporter : le bilan carbone des opéras est lourd, et les moyens de l’alléger complexes. Illustrations à Rennes, Paris et Bruxelles.
Avec quatre bâtiments, 185 000 mètres carrés à éclairer et chauffer, 400 levers de rideaux par an et la consommation électrique d’une ville de 10 000 habitant·es, la sobriété énergétique a de quoi apeurer l’Opéra de Paris. Pourtant, la structure nationale participe cette année au « championnat de France des économies d’énergie ». Un concours porté par la société A4MT, qui essaie de donner un aspect ludico-pédagogique à la sobriété, pour inciter les entreprises publiques et privées à enfin faire leur transition écologique.
Mais entre la salle à l’italienne de l’Opéra de Rennes, « complètement aveugle, puisqu’elle ne possède aucune fenêtre donnant sur l’extérieur », ou l’impossibilité à Garnier d’ajouter un isolant thermique à la cage scénique, le chemin vers la sobriété est encore long. Aussi Pascal Lenormand, ancien ingénieur devenu designer énergétique pour « sauver la planète », s’emploie-t-il depuis plus de sept ans à boucher les trous des passoires thermiques que sont la plupart des bâtiments du spectacle vivant. Il revient sur quelques-uns des rouages ayant permis à plusieurs établissements de réaliser jusqu’à 40 % d’économie d’énergie.
« Quick wins » et talons d’Achille
« Les gros gisements sont là où personne ne regarde : dans les non-usages, affirme d’emblée Pascal Lenormand. Quand on veut faire des économies, ce qu’on attaque en premier, c’est ce qu’on appelle le talon, c’est-à-dire la consommation d’électricité et de gaz qui subsiste quand on croit que tout est coupé. »
Ainsi, à Rennes comme à Paris, les opéras ont procédé en deux étapes. « Ça a commencé par l’installation de compteurs intelligents qui permettent de suivre au jour le jour la consommation d’énergie, et d’identifier les éventuelles déperditions », retrace Violaine Charpy, chargée du développement durable à l’Opéra de Paris. Une fois le diagnostic posé et les faiblesses identifiées, on peut passer à la seconde étape – promesse de gains rapides ou « quick wins » pour peu que l’on ait bien identifié les failles.
« Planifier l’allumage et l’arrêt des machines, et optimiser le fonctionnement des installations », résume Violaine Charpy. Concrètement, cela s’est traduit à Rennes par l’arrêt, la nuit, le week-end et pendant les vacances, des ventilations et des aspirations d’air qui « tournaient tout le temps », martèle le directeur technique Raphaël Bourdon : « Même chose pour les blocs de secours [lampe indiquant une issue de secours – ndlr] qui d’ordinaire sont allumés en permanence. »
Viennent ensuite les questions de thermomètre : l’Opéra de Paris est passé de 21 à 19 degrés, à l’exception des espaces artistiques –, et a ainsi baissé de 11 % la consommation d’électricité, et de 27 % la consommation de chauffage. À l’Opéra de Rennes, Raphaël Bourdon pointe du doigt « un problème d’inertie ».
« Si on met un peu plus fort la consigne, le bâtiment est tellement grand qu’il faut attendre au moins deux bonnes heures avant de sentir une quelconque chaleur, déplore le directeur technique. On avait tendance à ne jamais trop y toucher de peur que les gens aient trop froid. Sauf que ça ne servait à rien. On a désormais programmé les machines de sorte que le chauffage se mette en route à 6 heures du matin, et se coupe à 22 heures, avant que le public sorte du spectacle, mais suffisamment tard pour qu’il n’ait pas le temps de sentir le bâtiment se refroidir. »
Des efforts qui, en chiffres, se veulent plutôt convaincants : « Entre 2021 et 2023, notre consommation de gaz est passée de 832 à 450 mégawattheures, ce qui représente une baisse de près de 46 %. Et pour ce qui est de l’électricité, on est passés de 207 à 155 mégawattheures. En tout, gaz et électricité confondus, on a réalisé 41,7 % d’économie », sourit le responsable communication de l’Opéra de Rennes, Lilian Madelon.
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