Présentée dans une section à part dans l’exposition de Mohamed Bourouissa au Palais de Tokyo, le projet collectif et virtuel de Musée des Nuages vise à promouvoir la scène artistique palestinienne, en présentant une collection d’œuvres dématérialisées.
C’est l’histoire d’un projet percuté par l’actualité. Présentée dans l’exposition «Ce que la Palestine fait au monde» en mai 2023, la fresque collective du Musée des nuages a été réalisée lors d’un atelier à Gaza, avant d’être acheminée à Paris au terme d’un long périple la conduisant de Jérusalem à Ramallah, en passant par Tel Aviv et Leipzig. Enchâssée en toute discrétion dans cette exposition de l’Institut du monde arabe, signée Elias Sanbar, l’œuvre n’est alors qu’une première ébauche, traduction modeste d’une entreprise plus vaste : le Musée des nuages (Musée Sahab en arabe), visant à sortir de l’isolement la scène artistique palestinienne victime du blocus israélie. En se retrouvant sous le feu des projecteurs depuis le 7 octobre, le projet se trouve une raison supplémentaire d’exister.
Une fiction trouée par le réel
Au même moment, en octobre dernier, le plasticien Mohamed Bourouissa planche sur son exposition personnelle à venir au Palais de Tokyo. Il sait qu’il y présentera son dernier film, qui chorégraphie la mécanique des violences policières, et une nouvelle variante de son jardin communautaire, création qu’il cultive dans une perspective réparatrice, entremêlant des notions botaniques et politiques, de déracinement et de pollinisation. Mais il sait aussi qu’il veut faire de la place au Musée des nuages, ce projet collectif qu’il porte depuis 2021 avec une architecte et deux artistes gazaouis – Sondos Al-Nakhala et Mohamed Abusal, tous deux restés dans le sud de la bande Gaza, à Rafah, et Salman Nawati, exilé en Suède. Pendant des mois, dans l’effroi et les semaines qui suivent les attentats du Hamas, entre les injonctions ambiantes faites aux artistes arabes, notamment, de condamner en priorité les horreurs du 7 octobre, et l’urgence à alerter au plus vite sur le spectre du génocide qui plane en représailles, Bourouissa et ses complices cherchent la juste réponse. Or la forme qu’ils ont trouvée, visible dans un chapitre à part de l’exposition qui vient d’ouvrir au Palais de Tokyo, tout au bout de la grande verrière, est exemplaire. Cette forme, c’est celle de la fiction, mais d’une fiction qui se laisse trouer par le réel.
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